Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 41.djvu/188

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui veut être avant tout historique. Mais ceux qui liront cette date, quelle leçon voulez-vous qu’ils en tirent ? Était-ce là, au cœur du XVe siècle, l’état de l’art en Italie, et en particulier l’état de la peinture, après Masaccio, mort depuis quatorze ans, lorsque l’Angelico vivait encore, lorsque de tous côtés s’avançaient de grands peintres, lorsque chaque jour enfantait un chef-d’œuvre ? Votre tableau daté n’est donc que l’œuvre infime de quelque obscur retardataire. Que vient-il faire ici ? Troubler les idées acquises au lieu de les clarifier. Le seul trait de lumière qu’il nous donne, c’est qu’on trouve de mauvais peintres dans tous les siècles, même au XVe. Est-il besoin d’un musée historique pour découvrir cette nouveauté-là ? Et notez qu’en parcourant ces salles, nous pourrions presque à chaque pas vous signaler des pièges de ce genre dressés contre ce bon public que vous prétendez enseigner.

Encore un coup, nous ne voulons pas dire que dans ces six cents tableaux tout soit à dédaigner. Non, vous avez là quelques panneaux d’un style vraiment naïf, de saintes légendes franchement exprimées, qui, toute réserve faite quant aux attributions, pourront très bien tenir leur place et combler de fâcheuses lacunes dans notre galerie du Louvre, si pauvre en tableaux archaïques. Élaguez sans ménagement, et vous tirerez quelque chose de votre collection ; mais ne prétendez pas nous en faire admirer l’ensemble, et surtout ne la donnez pas pour une histoire complète de la peinture en Italie. Non-seulement elle enseigne mal et risque plus souvent d’égarer ceux qui savent que d’instruire ceux qui ne savent pas ; mais elle commet un péché qui pour nous est plus irrémissible : elle calomnie, dans la personne de leurs principaux chefs, auprès de ceux qui n’ont jamais quitté la France, les écoles primitives d’Italie. Ces adorables maîtres qu’on ignore à Paris, abuser de leurs noms et nous les présenter sous cet aspect terne et morose, sans vie, sans poésie, sans soleil, il y a de quoi guérir à tout jamais du désir de les connaître mieux !

Et maintenant que dire de la série des majoliques et de celle des sculptures émaillées ? Si nous jugions de la valeur des choses par le prix qu’on en peut tirer, ces deux séries auraient sur la première un avantage incontestable. Un grand nombre de ces majoliques, sans être de premier ordre, ne semblent pas inférieures à celles qui depuis quelque temps, dans les ventes publiques, sont poussées à des prix vraiment étourdissans. En fait de plats de Gubbio par exemple, ceux de la collection Soltykoff n’étaient guère plus étincelans, plus chatoyans que ceux-ci, et vous savez ce qu’on les a vendus ; mais ce genre de mérite, tout précieux qu’il soit, est-il de ceux dont il faut tenir compte dans une collection publique ? Est-ce seulement la fantaisie,