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qu’on n’abatte dans les forêts que le bois qui peut être consommé sur place. Il y a cependant sur les montagnes de l’intérieur, dans les Calabres et dans la Capitanate, des forêts de chênes et de châtaigniers qui suffiraient à alimenter les plus actifs chantiers de construction maritime. Le roi Joseph avait compris l’importance de ces ressources forestières ; c’est Bagnara qu’il avait désigné comme port de construction, lorsqu’il préparait les expéditions avortées de la Sicile. On n’avait en effet qu’à couper les arbres et à les laisser rouler jusqu’à la mer, pour avoir les matériaux en abondance.

Toute cette Italie méridionale est un pays à découvrir ; il faut l’avoir visité en détail pour se figurer les ressources extraordinaires qu’il offrira au commerce et à l’industrie, lorsque des voies ferrées, de grandes routes, des chemins vicinaux, le mettront tout entier en communication avec les mers qui l’entourent, et l’auront fait entrer dans la loi d’échange commune aux peuples civilisés. Ce n’est pas seulement le bois de construction qu’on y trouvera sans peine, mais les marbres les plus beaux (le vert antique ou vert de mer sert à faire des marches d’escalier à Maïda, à Marcellinara, à Catanzaro), le coton, dont on va, je crois, commencer la culture en grand, les céréales de toute sorte, la soie, le vin, les métaux, la cire, la garance, les essences provenant des arbres résineux, la réglisse (si abondante qu’elle est connue commercialement sous le nom de calabre) ; l’huile, qui est extrêmement riche ; le chanvre, la canne à sucre, qu’on acclimatera facilement ; le maïs, dont on expédie déjà les feuilles en larges ballots pressés pour faire des sommiers ; les oranges et les citrons, qui, dans les années de mauvaises récoltes, valent 20 centimes le kilogramme ; l’absinthe, qui croît naturellement ; les bois de luxe pour la fabrication des meubles ; que sais-je encore ? mille autres richesses au milieu desquelles un peuple entier meurt de faim, faute de pouvoir en tirer parti. Les routes qui sillonnent nos départemens de l’ouest rendent aujourd’hui une Vendée impossible ; la chouannerie même n’y pourrait subsister. Les routes que l’on va tracer dans les provinces napolitaines leur rendront la tranquillité, et en feront un des pays les plus riches du globe. « Du travail ! du travail ! » tel est le cri de tous les hommes intelligens qui habitent l’Italie du sud ; c’est le cri des agens diplomatiques, des préfets, des propriétaires, le cri de tous ceux qui, payant l’impôt, ont droit à la sécurité.

Parmi les grands travaux qu’on ne peut tarder à entreprendre pour utiliser cette terre féconde et lui donner les moyens de mettre à profit les immenses ressources qu’elle renferme, il en est un d’une haute importance, auquel on devra songer bientôt et dont il est bon de parler des à présent. Il s’agit d’un port à créer dans la mer Adriatique. C’est le devoir du gouvernement italien de fonder