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quittât ses retranchemens. Plusieurs fois, pressé d’en finir, il attaqua l’ennemi, le provoqua, essaya de l’attirer dans la plaine et de le prendre corps à corps : tentatives inutiles, Mathias ne bougea point. Tant de journées perdues au camp auraient pu être activement employées dans les conseils de Prague, car bien des intrigues s’agitaient autour de la Bohême, et la sagesse du roi paraissait encore plus nécessaire au milieu des négociations que son habileté stratégique sur l’échiquier des combats. Son armée d’ailleurs commençait à manquer de provisions ; il reprit donc le chemin de Prague, à petites journées toutefois, et toujours prêt à se retourner contre les Hongrois, si l’ennemi se décidait à le suivre. Mathias le suivit en effet, mais à la première attaque des Bohémiens il courut s’enfermer de nouveau dans son camp de Laa. Le roi revint donc à Prague, laissant le commandement à ses fils. C’étaient deux chevaliers, deux héros, d’une bravoure aussi folle que brillante, qui compromettaient les troupes par leur témérité. Le roi avait ordonné au prince Victorin de s’établir solidement dans la ville de Trebisch pour y observer les mouvemens de l’ennemi ; Mathias, qui avait fui devant George, concentre aussitôt toutes ses forces sur ce point. Le jeune prince, impatient de se battre, s’élance à sa rencontre, se jette sur les Hongrois ; mais, obligé de céder à des forces bien supérieures en nombre, il rentre dans la ville, où, enveloppé de toutes parts avant d’avoir pu se retrancher, il va subir un formidable assaut. La ville est prise, brûlée, saccagée, et Victorin rallie les débris de ses bataillons derrière les créneaux d’un couvent de Saint-Benoît, espèce de forteresse immense adossée aux montagnes ; les habitans de Trebisch y avaient déjà cherché un asile au moment où s’approchaient les Hongrois. Informé de ces nouvelles, le roi se hâte d’envoyer au secours de son fils aîné les escadrons du prince Henri, qui essuient à leur tour une sanglante défaite aux environs de Trebisch. Mathias Corvin faillit payer cher sa victoire, une grave blessure le jeta sur le terrain. Cependant les souffrances des assiégés étaient de jour en jour plus cruelles. Pressés par la famine, ils commençaient à manger leurs chevaux, quand tout à coup le bruit se répand qu’on a vu se déployer dans la plaine la bannière du roi George. Le roi, en effet, instruit par ses courriers de la situation critique des deux princes, était monté à cheval avec ses hommes d’armes, et venait d’apparaître sur les flancs de l’ennemi. Les Bohémiens, enflammés par sa présence, se précipitent hors de la forteresse sur trois points à la fois, et, faisant à l’armée hongroise d’effroyables trouées, ils brisent le cercle de fer et de feu qui les entoure. Deux colonnes sur trois passent à travers ces grandes brèches humaines ; la troisième, après une lutte sanglante, est forcée de regagner son asile. Lorsque