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vérité que les brigands ont toujours existé dans les parties montagneuses des Deux-Siciles. En 1822, au mois d’août, je crois, à l’époque où tous les princes légitimes étaient paisiblement assis sur leurs trônes, le ministre des Pays-Bas fut enlevé sur la grande route, entre Terracine et Capoue ; la sécurité des chemins était si peu certaine qu’au mois de décembre de la même année on fut obligé d’échelonner dix mille soldats entre la frontière romaine et Naples pour protéger efficacement la personne du roi de Prusse, qui allait faire visite à sa majesté napolitaine. « Les Bourbons restaurés prirent un autre moyen pour détruire le brigandage dont ils s’étaient servis et qu’alors ils se reconnurent impuissans à réprimer. Le général Amato vint à composition avec la bande de Vandarelli, qui infestait la Pouille, et lui accorda non-seulement le pardon et l’oubli, mais il fut stipulé qu’elle serait transformée, avec une solde réelle, en une légion armée au service du roi, à qui elle prêterait serment. Les conventions faites, la bande vint à Foggia pour se rendre, et là elle fut détruite à coups de fusil[1]. »

Il n’y a pas vingt ans, sous le règne de Ferdinand II, un certain Talarico, ayant eu quelques difficultés avec les autorités de la Calabre ultérieure première, se fit brigand et réunit bientôt autour de lui une bande de quarante à quarante-cinq hommes. Il se mit en chasse des carabiniers (gendarmes), pilla les convois de marchandises, se fit nourrir par les communes, semblait imprenable et terrifiait le pays. On ne pouvait en finir avec un si rude adversaire, qui se riait des embuscades et déjouait les trahisons ; on fit alors avec lui un traité qui fut solennellement juré et respecté, par lequel on lui accordait une pension mensuelle de 30 piastres (153 francs) et une paie journalière de 3 carlins (1 franc 26 centimes) pour chacun des trente-sept hommes qui lui restaient encore ; en outre il fut convenu qu’en cas de mariage, un carlin de plus par jour serait donné pour chaque enfant qui naîtrait. Talarico fut d’abord interné dans l’une des îles Lipari, puis, comme le climat ne lui convenait pas, on l’autorisa à résider à Ischia, où il est devenu capitaine de port. Il est marié et a neuf enfans. Je l’ai vu et j’ai causé avec lui : c’est un solide et joyeux gaillard que l’âge n’a pas affaibli, point ivrogne et grand danseur de tarentelle. Lorsqu’il parle de sa vie d’autrefois, il dit : « C’était le bon temps ! »

Le brigandage existait donc jadis dans le royaume des Deux-Siciles, et les rois étaient forcés d’entrer en composition avec les bandits. Qu’il y ait eu recrudescence depuis la chute de François II, ceci est un fait hors de doute et qui s’explique de lui-même. Beaucoup de criminels, profitant des désordres que la révolution conduite

  1. Circulaire du baron Ricasoli, 24 août 1861.