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et les violences du pape. C’était l’œuvre de Grégoire de Heimbourg. Paul II n’ayant pas obéi à la justice, mais à la haine, le roi en appelait au saint-siège lui-même, car ce n’était pas contre l’institution et le droit d’un pontificat suprême que protestait le roi George, c’était contre la personne de celui qui occupait alors le trôné de saint Pierre, personne mortelle, faillible, passionnée. Et si ce premier appel ne suffisait pas, il en appelait en second lieu au futur concile général, à ce concile qui aurait dû être réuni depuis longtemps, et qui n’était retardé ou supprimé que par l’indifférence ou l’usurpation de Paul II. Enfin si cette seconde protestation devait aussi demeurer sans effet : « J’en appelle, disait-il, aux successeurs de Paul II, j’en appelle à tous les corps de la chrétienté, j’en appelle à quiconque aime le droit et la justice ! »


III

Ce n’était pas une vaine tentative que cet appel du roi, puisqu’il suspendait la condamnation prononcée à Rome, et qu’il rassurait maintes consciences indécises. Il est vrai qu’une pareille protestation allait aussi exaspérer les fanatiques. À dater de ce moment, la fureur de Paul II ne connaît plus de bornes : bulles, décrets, sentences, renouvelés de mois en mois, tombent sur la tête du roi de Bohême avec une sorte de régularité monotone et sinistre. La ligue des seigneurs devient une ligue catholique, et ce n’est plus contre le destructeur des privilèges de la noblesse, c’est contre l’hérétique frappé d’anathème que les barons, poussés par les légats du pape, se décident enfin à commencer la guerre. Pendant toute l’année 1467, ce pays, naguère encore si florissant, ce royaume enrichi par la paix, et qui faisait envie aux contrées allemandes, n’est plus que le théâtre d’une immense bataille. Point de journée décisive, point de stratégie savante ; on se bât partout et sans cesse. Les ligueurs étant dispersés dans toutes les parties de la Bohême, le roi est obligé de disséminer aussi ses troupes : Les principaux faits d’armes sont des prises de châteaux. Un des grands événemens de la campagne ; ce fut l’avantage obtenu par les soldats du roi qui emportèrent d’assaut dans la même journée six châteaux-forts du baron de Sternberg. Le roi avait réussi pourtant à concentrer deux petites armées sous le commandement de ses deux fils, les princes Victorin et Henri, qui se portaient rapidement partout où le danger les appelait. Le prince Victorin fut plusieurs fois vainqueur en Silésie. Le 16 juin, à Frantenstein, il fit quatre mille prisonniers à l’ennemi, et les dirigea sur Prague. Des armes, des drapeaux, maints trophées, quatre cents pièces d’artillerie prises en différens combats défilèrent aux yeux de la foule. Au milieu des nouvelles contradictoires qui arrivaient chaque