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ce sujet, et tous ont déclaré que la condamnation du roi de Bohême était une violence inouïe stupendum facinus. Louis XI, dans sa lettre à Paul II, n’est pas moins explicite : il appelle la procédure du saint-siège un acte de rébellion, et lui conteste absolument le droit de traiter ainsi un souverain. Il faut entendre surtout les catholiques de Bohême, ceux que des ambitions personnelles n’ont pas entraînés dans la ligue, et qui représentent l’intérêt général dans les assemblées de la patrie. Par un bref envoyé aux quatre principales villes de la Moravie : Olmütz, Brunn, Znaïm, Iglau, le pape leur avait ordonné de se détacher du roi ; le loyal évêque d’Olmutz ; Protasde Boscowic, répondit avec une liberté toute chrétienne que ce serait une action inique et funeste. Il vanta la mansuétude de George, son esprit de tolérance, sa fidélité à ses engagemens ; il montra combien il serait dangereux pour l’église et pour le bien commun que les catholiques de Bohême trahissent leurs sermens envers leur souverain, et comme la ville de Pilsen a déjà levé l’étendard de la révolte, il supplie Paul II, au nom des autres villes, de les autoriser à s’unir au roi George pour étouffer l’insurrection. Le conseil des princes de Moravie tint le même langage. Les ducs de Silésie ajoutèrent que le seul auteur du mal était le légat Fantin de Valle avec ses violences d’énergumène. Dans les affaires de religion, disaient-ils, le roi a toujours été si doux, si tolérant, que le plus zélé catholique n’a rien à redouter d’un tel maître ; ils suppliaient donc le pape de supprimer le procès, de le suspendre au moins jusqu’à meilleure information, et déclaraient enfin que leur parti était pris : quelle que fût la décision de Rome, ils ne se sépareraient pas du roi. Les ducs Henri de Glogau, Conrad d’Oels, Nicolas d’Oppeln, Premislaw de Tost, Frédéric de Liegnitz, avaient signé cette déclaration.

Quelle impression produisirent sur l’esprit de Paul II tant et de si imposans témoignages ? Il n’y vit qu’une seule chose, c’est que le bras séculier dont il avait besoin pour l’exécution de sa sentence ne se trouverait pas chez les princes de l’empire. Il fallait chercher fortune ailleurs. Le roi de Hongrie avait offert son épée au pape des le commencement de la lutte, c’est-à-dire à une époque où le saint-siège ne voulait pas encore en venir aux dernières extrémités ; on renoua les négociations, mais déjà Grégoire de Heimbourg était sur le terrain et combattait avec vigueur l’influence des légats. Pendant toute l’année 1466, le grand diplomate est en correspondance avec l’archevêque de Gran, primat de Hongrie. Il espérait que ce prélat, esprit sage, âme généreuse, pourrait dominer le fanatisme de son maître, et il s’efforçait de lui prouver que la Hongrie et la Bohême devaient faire cause commune, ayant dans l’avenir un intérêt semblable. On voit par une de ses lettres avec quelle ardeur il désirait cette alliance, puisque cette ardeur même avait éveillé des