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entre Podiebrad et le saint-siège. Telle était l’impartiale justice qu’on promettait au roi de Bohême. L’évêque Rodolphe de Lavant venait d’être nommé légat auprès de l’empereur et chargé de surveiller à Vienne les affaires de Bohême. Le 21 janvier 1465 ; avant de partir de Rome, il écrit aux catholiques de Moravie et leur enjoint, au nom du saint-père, de rappeler immédiatement leurs troupes employées au siège de Zornstein. Le loyal Protas, évêque d’Olmütz, qui avait condamné Hynek comme ennemi du bien public, ne reçoit pas seulement une sommation du même genre, mais une réprimande hautaine et menaçante. « Chargé de défendre les catholiques, il s’est uni à leurs persécuteurs. Le pape, dans sa juste colère, voulait informer contre lui et châtier sa trahison des instances du légat Rodolphe ont pu seules obtenir un sursis. Qu’il se hâte donc de rentrer dans le devoir, s’il veut détourner le bras du pontife déjà levé sur sa tête. » À ces injonctions du pape et de son légat les prélats catholiques du royaume de Bohême répondirent simplement par le récit des faits : le baron Hynek n’était pas un catholique persécuté, mais un rebelle, un chef de bandes, qui avait ravagé la Moravie, et que la magistrature nationale avait justement condamné. Le roi de Bohême écrivait la même chose à Paul II dans une lettre respectueuse et digne où il s’excuse de ne pas avoir encore envoyé ses ambassadeurs au Vatican. Le pape ne répondit pas au roi ; il s’adressa aux prélats et barons du royaume. « Je regrette, disait-il, qu’un zélé catholique comme le baron Hynek ait manqué à ses devoirs envers ses concitoyens ; mais l’homme qui le poursuit à main armée n’a sur lui aucun droit de justice étant sorti de l’église. Cessez donc d’assiéger le château du baron, hâtez-vous de lui restituer ses domaines ; sa cause sera jugée devant le siège apostolique, et nous le condamnerons à réparer tous les dommages particuliers dont il sera reconnu coupable. Quant au crime qu’on lui fait d’avoir refusé obéissance au persécuteur de la foi, le baron Hynek est innocent. » Le roi répondit en roi. Le château de Zornstein, après un siège de dix mois, ayant été obligé de se rendre (9 juin 1465), Podiebrad le fit raser jusqu’au sol.

C’était le commencement de la guerre. Podiebrad l’avait évitée avec la prudence du politique et la longanimité du chrétien. Pouvait-il hésiter davantage ? Déjà plus d’un baron excité par les appels de Rome se préparait a suivre l’exemple d’Hynek. Il était urgent de faire étinceler l’épée de justice et de terrifier la rébellion. Paul II sentit le coup qui le frappait. À la première nouvelle de la prise et du sac de Zornstein (2 août), il lance, la grande menace préparée déjà sous Pie II, la citation de George de Podiebrad, se disant roi de Bohême, devant le saint-siège apostolique. Le pape ne se contentait pas de le citer à son tribunal comme hérétique, relaps, blasphémateur,