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catholique ! Quelques mois après l’élection du nouveau pape, un sujet révolté du roi de Bohême, un seigneur de Moravie nommé Hynek de Lichtenburg, arrive à Rome, obtient une audience du souverain pontife, se donne pour une victime de sa cause, et le supplie d’évoquer l’affaire à son tribunal. C’était simplement un seigneur qui, protestant dès le premier jour contre l’élection du roi George, s’était mis à guerroyer aux environs de ses domaines, c’est-à-dire à piller les partisans du roi. Il possédait plusieurs châteaux-forts, dont l’un entre autres, nommé Zornstein, était défendu par sa position autant que par ses murailles, vrai nid de vautours dans les rochers. Assez riche d’ailleurs pour payer quelques-uns de ces mercenaires, moitié soldats, moitié bandits, dont les guerres civiles avaient infesté la contrée, il faisait la guerre à distance en lâchant ses pillards dans la plaine. Le roi investit ses forts pour mettre fin à ce brigandage, confisqua provisoirement une partie de ses domaines et le cita comme rebelle devant les états de Moravie. L’affaire intéressait si peu la religion que les évêques aussi bien que les communes se déclarèrent contre lui. Les états l’ayant condamné comme perturbateur de la paix publique, on vit les catholiques aussi bien que les hussites se réunir en corps d’armée et faire régulièrement le siège de Zornstein pour en finir une bonne fois avec l’ennemi. Cette petite guerre éclatait en Moravie au moment même où Pie II venait d’expirer à Ancône. Hynek de Lichtenburg avait plusieurs fois invoqué son assistance contre le roi de Bohême ; mais Pie II, loyal et juste, quoique passionné, avait bien vu que la religion n’était pas en cause, et, refusant de se mêler d’une telle affaire, avait recommandé au rebelle de reconnaître l’autorité du roi. Il faut se rappeler que Pie II, à l’époque où il tenait ce langage, n’avait pas encore perdu l’espoir de ramener le roi hussite à l’obédience de Rome. La rupture de la Bohême et du saint-siège, la citation du roi George devant le tribunal du pape, créaient une situation toute différente ; Hynek pensa que le moment était bien choisi pour renouveler sa requête, surtout s’il la renouvelait en personne, comme représentant de la noblesse catholique. C’est alors que, s’échappant de Zornstein, il passa en Autriche et de là en Italie, où un nouveau pape venait de remplacer Pie II.

Quel était ce nouveau pape ? Un Vénitien nommé Pietro Barbo, cardinal de Saint-Marc. Il était neveu d’Eugène IV, et, s’il reprit bientôt la politique altière et dominatrice de son oncle, il ne rachetait pas, comme lui, la dureté de sa conduite par des qualités éminentes. Ne lui demandez ni le goût des arts et des lettres qui honora le règne de Nicolas V, ni la douceur de Calixte III, ni l’intelligence brillante de Pie II. Il était faible et violent, capricieux et entêté, frivole et implacable. Son premier acte fut de violer sa parole vis-à-vis