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peu lourde et ses marbres aux sculptures émoussées par les siècles. On dit qu’étudiées de près, celles-ci dénoncent une rapide décadence de l’art depuis le temps des Antonins ; mais le dessin général se défend mieux. Cet arc, le modèle de notre arc du Carrousel, fut, l’an 205 de notre ère, dédié par le sénat à Sévère, à Caracalla, à Géta, en commémoration de leurs victoires sur les Perses et les Parthes. Rien n’est plus visible que le grattage du nom de Géta, ordonné par Caracalla lorsqu’il eut immolé son frère. Partant de là, le Clivus Capitolinus laissait à gauche une construction dont on voit encore les fondations en arc de cercle. C’était la tribune, mais la tribune officielle sous l’empire. De là Othon harangua ses soldats. C’étaient bien aussi des rostres, mais les véritables, les rostres de la liberté, cette tribune d’où Tibérius Gracchus osa le premier regarder le peuple en parlant, étaient plus à gauche et un peu plus haut.

De l’arc de Sévère, le Clivus remontait au Capitole en passant devant un temple de Saturne, dont huit colonnes ioniques de granit encore debout attestent les grandes proportions. À l’angle de la façade, la voie se divisait en deux branches, dont l’une, se prolongeant entre le temple et la Scola, pouvait servir au défilé des légions vers le couchant et vers le Tibre, tandis que l’autre montait entre cette même Scola et le temple de Vespasien vers le Capitole, dont c’était là probablement la grande entrée du côté du Forum.

Voilà presque tous ceux des monumens du Forum qui sont tout à fait déblayés. Ne nous plaignons pas trop de ce qu’il faut, pour la plupart, les regarder dans un trou. C’est un progrès, car c’est un déblaiement. Il suffit de consulter des gravures antérieures au XIXe siècle pour voir encore l’arc de Sévère enterré jusqu’au tiers de sa hauteur. Il faut lire dans les lettres du président De Brosses les lamentations que lui arrachait l’état abandonné du Forum. Les choses ont peu changé jusqu’aux travaux de 1803, qui ont précédé les travaux plus sérieux de 1810. La visite des armées françaises et le traité de Tolentino avaient rappelé à l’indifférence et à l’incurie le prix des richesses dont les siècles les avaient rendues dépositaires ; puis notre exemple pendant une domination de deux ou trois années n’a pas été tout à fait perdu. Jusque-là, tout avait marché à la destruction ; ainsi ce temple de Saturne que le Pogge a encore vu entier en 1425 avait disparu à son second voyage, et aujourd’hui même il n’a plus ses huit colonnes redressées que grâce à la plus maladroite restauration. Les fouilles entreprises par les Français ont fait apparaître les socles enfouis, le pavé des temples, les marches brisées des portiques, quelques soubassemens qu’on a pu mesurer, et l’affleurement d’anciens édifices est maintenant à découvert. Des souverains de Rome, deux seulement, Pie VII et le pape régnant,