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Marc-Aurèle haranguant ses soldats, a échappé aux vengeances de l’orthodoxie du moyen âge, parce qu’on l’a prise pour l’image de Constantin. C’est Michel-Ange qui, du pied de l’arc de Septime-Sévère, l’a portée où elle est en disant au cheval qu’il admirait beaucoup : « Et maintenant marche ! » Au fond de la cour, on monte chez le sénateur par un perron, au pied duquel les deux statues si connues du Nil et du Tibre sont couchées de chaque côté d’une Minerve de marbre blanc drapée en porphyre, celle peut-être que Catulus fit placer au Capitole lorsqu’il l’eut rebâti après l’incendie du temps de la guerre de Marius et de Sylla. Toutes ces sculptures ont été posées là comme ornemens par les modernes, et si nous entrions dans un de ces trois palais municipaux, combien trouverions-nous encore de statues, de bas-reliefs, de bustes, d’antiquités de toute sorte ! Certes il y a plaisir à voir ces choses et à les voir à Rome ; mais elles sont là rassemblées comme elles pourraient l’être à Paris, à Londres, à Munich. Souvenons-nous que nous sommes ici moins en artistes qu’en historiens. C’est le sens plus que la beauté des antiques qui nous occupe. Or au milieu de toutes ces richesses l’attention se trouble, les souvenirs se confondent. Rien de tout ce que nous verrions dans ces salles n’est à sa place, à sa date. C’est un labyrinthe de belles choses où le fil de l’histoire nous manque.

N’entrons donc pas encore, et restons au pied de la statue de Marc-Aurèle ; mais là nous ne nous doutons pas de ce qui est au-delà. Ce palais du sénateur bouche la vue. La construction de Michel-Ange n’est guère qu’un placage qui recouvre une bâtisse épaisse et carrée, de tout âge et de tout style, surmontée d’une tour quadrangulaire en forme de beffroi municipal. On peut de droite ou de gauche contourner ce massif hôtel de ville. À gauche, on lui trouverait l’air d’un château du moyen âge ; à droite au contraire, c’est un bâtiment tout administratif, et c’est pourtant le côté qu’il nous faut prendre, car nous avons à découvrir la porte des bureaux. Entrons, nous trouverons un escalier de service qu’une inscription en lettres d’or célèbre comme une création de la munificence pontificale. Montons très haut, frappons souvent, sonnons longtemps, cherchons partout, et il n’est pas impossible que nous rencontrions quelqu’un à qui nous demanderons le Tabularium. Alors on nous fera redescendre au-dessous du plus bas étage des bureaux et pénétrer dans un portique souterrain qui ressemblerait aujourd’hui à une belle cave, s’il n’était éclairé à l’exposition du sud-est par de larges ouvertures cintrées ou des portes de toute sa hauteur. Sous de fortes voûtes qui supportent tout le poids de la partie antérieure du Capitole administratif, autour des forts piliers qui leur servent d’appui, s’étend un vaste ensemble de salles et de galeries que Lutatius Catulus