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qui meut. Là est le type de la notion de cause. On se rit des causes finales et des causes efficientes ; mais, quand je fais un acte de volonté, voilà une cause efficiente, une cause intentionnelle, agissant pour une fui. Avec la cause, la psychologie me donne la substance, qui n’est que la cause considérée dans sa virtualité ; elle me donne l’unité, l’identité, la durée, toutes les notions essentielles. C’est ainsi que la psychologie fournit une base expérimentale à la métaphysique, Elle doit un tel privilège à ce que, seule entre toutes les sciences d’observation, elle saisit autre chose que des faits et des lois : elle est l’intuition immédiate d’une cause.

On nous pardonnera maintenant de n’avoir pas épargné les reproches à la doctrine des nouveaux animistes. Cette doctrine a un tort capital à nos yeux, c’est de mettre en péril le caractère distinctif de la psychologie, qui est de se développer à la lumière de la conscience. J’accorde maintenant que plus cette science maîtresse a d’importance, plus il est grave de la rétrécir. Je reconnais que, dans leur effort pour constituer la psychologie, l’école cartésienne, l’école écossaise, et de nos jours enfin plus d’un philosophe spiritualiste ont laissé quelque chose à regretter. Sans tomber, dans l’excès de Descartes, de Malebranche, de Leibnitz, qui brisaient les liens qui unissent l’âme au corps, le spiritualisme contemporain n’est pas tout à fait exempt de reproche à cet égard. Il faut une psychologie plus exacte et plus étendue qui nous montre l’homme tel qu’il est, l’homme tout entier. Pour nous borner ici à quelques indications, il y a au moins deux facultés nouvelles à introduire dans les cadres de la science : d’une part le sens vital, ou, de quelque nom qu’on l’appelle, ce sentiment que nous avons de l’état particulier de nos organes et de l’état général de l’organisme ; de l’autre la faculté locomotrice ou la puissance de mouvoir une partie de nos organes. Ce qu’on appelle proprement la volonté ne peut ici suffire. Avant de vouloir remuer mes membres, je les ai remués sans le vouloir. Je ne puis vouloir les remuer que si je m’en sais capable. Il y a donc, antérieurement à l’activité volontaire et réfléchie, une activité spontanée qui s’applique aux organes de la vie de relation et les meut directement[1].

Voilà le côté terrestre de l’homme ; mais il y en a un autre qu’on pourrait appeler son côté céleste ; je veux parler de toutes ces tendances primitives, cachées dans des plus secrètes profondeurs de l’âme humaine, notions innées, aspirations mystérieuses, semences obscures qui semblent ensevelies dans le sommeil, mais qui se réveillent

  1. Si la faculté locomotrice, reconnue par Aristote dans le Περί Ψυχής, rentre, après un long exil, dans les cadres de renseignement psychologique, l’honneur en reviendra à un éminent observateur, M. Adolphe Garnier, qui représente et qui continue la tradition franco-écossaise de Royer-Collard et de Jouffroy. Voyez son traité des Facultés de l’âme, livre III, tome Ier, pages 61 et suivantes.