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la théorie de Stahl, nous dira-t-on ; vous êtes donc pour la théorie de Barthez ? ou peut-être pour celle de Bichat ?

Nous l’avouerons, Barthez et Bichat ne nous satisfont pas plus que Stahl, et nous inclinons à croire que le problème de la vie est un de ceux qui n’ont pas encore été résolus. Ce qui nous met d’abord en défiance, c’est le nombre même des systèmes. J’en puis citer au moins cinq, et il semble qu’il y en ait presque autant qu’il y a de sciences particulières se partageant les phénomènes de l’univers. Et d’abord se présente la physique avec la prétention de ramener la vie à une disposition moléculaire. Cette tendance absorbante des physiciens date, comme nous l’avons vu, de Descartes. « Donnez-moi de l’étendue et du mouvement, disait l’audacieux auteur du système des tourbillons, et je me charge de faire le monde. » Il se mit à l’œuvre en effet ; et quand il crut avoir expliqué mécaniquement tous les grands phénomènes du ciel et de la terre, il fit subir enfin à son système l’épreuve la plus redoutable ; il entreprit de ramener la vie à un mécanisme, et composa ses traités de l’Homme et de la formation du fœtus. Pour lui, l’homme est un petit tourbillon, et tout s’y passe comme dans les tourbillons célestes. « Les corps qui ont vie, dit-il, ne sont que des petits ruisseaux qui coulent toujours. » On dira que cette explication de la vie n’a plus, à l’heure où nous sommes, un seul partisan. Il n’en est rien ; le mécanisme de Descartes et de Boerhaave subsiste encore, sinon à l’état de doctrine, du moins à l’état de tendance. Il y a aujourd’hui et il y aura longtemps encore des physiciens convaincus qu’on peut ramener tous les phénomènes de la nature, même ces phénomènes si délicats et si compliqués de l’organisation, aux lois générales du mouvement.

Mais à côté de la physique il y a une science plus jeune qui a fait depuis Lavoisier de merveilleux progrès ; c’est la chimie. Cette science a devant elle un nombre immense de phénomènes qu’il paraît difficile de réduire au pur mécanisme. Voici deux corps qui peuvent exister à part, l’hydrogène et l’oxygène ; chacun a ses propriétés physiques, sa densité, son élasticité, etc. Ce sont deux gaz. Rapprochez-les dans certaines conditions, ils se combinent et produisent de l’eau. Il y a là autre chose, à ce qu’il semble, qu’un simple changement dans la disposition des molécules. Il y avait affinité entre les deux gaz ; il y a eu combinaison. L’affinité, la combinaison ce sont là des phénomènes parfaitement originaux. Or il est certain que ce genre de phénomènes joue un grand rôle dans les fonctions organiques. Qu’est-ce que la respiration ? Mécaniquement, on peut comparer le mouvement des poumons à celui d’un soufflet de forge ; mais ce n’est pas là tout le phénomène. Il y a de plus un rapprochement qui s’établit par endosmose entre l’air atmosphérique