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Il paraît d’ailleurs que l’auteur ne tient pas beaucoup à sa définition stahlienne, car il la retire un peu plus loin, et, réservant le nom d’activité motrice pour les forces aveugles de la nature, il déclare que le caractère distinctif de l’âme humaine, c’est d’être une activité ayant conscience de soi, vis sut conscia. À la bonne heure : j’aime cette définition, je la préfère infiniment à celle de Stahl, je crois que c’est la seule définition convenable au spiritualisme ; mais une telle définition mène fort loin. Si l’essence de l’âme humaine est d’avoir conscience d’elle-même, il s’ensuit que ce qui est absolument étranger à la conscience est absolument étranger à l’âme, et cela ne fait pas les affaires de l’animisme.

Il est certain, dit l’auteur, que l’âme est essentiellement active, et de plus qu’elle est capable de mouvoir certains organes. Il est donc possible qu’elle meuve tous les organes. Et si cela est possible, pourquoi n’admettrait-on pas que cela est réel, du moment surtout que cette supposition est de toutes la plus simple ? J’avoue que je goûte peu cette façon d’argumenter a priori sur ce qui est possible. Savons-nous bien ce qui est possible et ce qui ne l’est pas ? Est-il conforme à une méthode sévère de deviner ce qui peut être, ce qui doit être, au lieu de chercher ce qui est ? Quel singulier raisonnement que celui-ci : mon âme agit sur mes bras, pourquoi n’agirait-elle pas sur mon foie et sur ma rate ? — Je répondrai au savant auteur : J’affirme que c’est ma volonté qui meut mon bras, parce que la conscience me l’atteste ; mais, la conscience ne m’attestant pas que j’agisse sur ma rate et sur mon foie, je n’affirme rien touchant le principe de cette action. Vous convenez expressément que le caractère distinctif de mon activité personnelle, c’est d’avoir conscience de ses actes ; je ne dois donc, d’après vous-même, m’imputer que les actes dont j’ai conscience. De deux choses l’une, retirez votre seconde définition, ou renoncez à votre argument.

Ce serait une chose bien étrange, poursuit l’habile avocat de l’animisme, que l’âme, qui a du pouvoir sur tel muscle, n’en eût aucun sur le muscle voisin ! — Je conviens qu’il y a là quelque chose de mystérieux ; mais l’animisme enlève-t-il ce mystère ? Supposons avec lui qu’en réalité ce soit mon âme qui, à l’aide du nerf grand sympathique ou autrement, agisse sur la circulation de la lymphe ou sur la formation de l’urée, en même temps qu’à l’aide des nerfs de l’axe cérébro-spinal elle agit sur les organes de la vie de relation : n’est-ce pas une chose étrange que la première de ces actions échappe complètement à la volonté et à la conscience, tandis que la seconde tombe sous la prise de la conscience et de la volonté ? L’animisme n’explique pas cela ; il ne supprime donc un mystère que pour en créer un nouveau.