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à côté du sire de Postupic se tenait maître Wenceslas Koranda. Ces quatre personnages, sans compter ceux qui leur faisaient cortège, étaient comme les délégués de la nation ; Antoine de Marini, étranger aux querelles religieuses de la Bohême, représentait la politique du roi. Ajoutons que maître Wenceslas Koranda écrivait jour par jour le récit des faits et gestes de l’ambassade, et que ce journal, mis plus tard sous les yeux du roi au parlement de Prague, fut attesté sans réserve par tous les intéressés, adversaires ou amis. On a encore le récit de l’ambassade par le chancelier Procope et les rapports qu’une plume inconnue, sans doute celle d’un prêtre catholique, envoyait alors à Breslau. Grâce à ces révélations contrôlées l’une par l’autre, le passé se débrouille et revit sous nos yeux. C’est une bonne fortune de pouvoir assister familièrement à ces curieuses conférences d’où vont sortir des événemens si tragiques.

Le chancelier Procope de Rabstein, qui avait maintes fois hébergé Æneas Sylvius pendant ses voyages en Bohême, fut reçu très cordialement par Pie II et logé dans son palais. Le jour même de l’arrivée à Rome, Rabstein fit dire à son collègue, le sire Kostka, que le pape voulait les entretenir tous les deux avant de recevoir l’ambassade. Kostka vint le rejoindre au palais, et Rabstein parla ainsi à Pie II : « Très saint père, le roi de Bohême nous envoie prêter serment d’obéissance à votre sainteté et lui adresser quelques prières ; ce serment, quand votre sainteté le permettra, nous sommes disposés à le prêter selon l’usage des royaumes chrétiens et selon la tradition des rois prédécesseurs de notre maître. » Le pape répondit : « Je ne puis accepter ce serment d’obéissance dans la forme usitée pour les autres souverains. Le royaume de votre maître n’est pas dans l’unité de l’église ; il s’en est séparé en adoptant des rites particuliers, et votre roi lui-même, sorti du sein de l’hérésie, avait juré, en recevant la couronne, non-seulement d’obéir au saint-siège, mais de ramener son peuple à l’obéissance. Il n’en a rien fait. Rokycana, ce méchant homme, continue de prêcher toujours comme autrefois ; le peuple communie toujours sous les deux espèces ; la reine assiste aux prédications de nos ennemis ; le jour de la fête du Saint-Sacrement, on a vu le roi quitter la procession de l’église catholique de Prague et se mêler à celle des sectaires. Je ne puis donc accepter son hommage, à moins qu’il ne s’oblige de nouveau à exécuter sa promesse : voilà le serment que j’attends de vous. » Les deux ambassadeurs répondirent que, n’ayant pas mission de prêter serment dans cette forme, l’acte serait de nulle valeur. » Eh bien ! dit le pape, je vous enverrai quatre de mes cardinaux ; entendez-vous avec eux pour trouver un moyen terme. »

La première de ces conférences particulières eut lieu le lendemain 14 mars. D’un côté étaient les deux envoyés bohémiens, Procope de