Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 40.djvu/934

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ambassade très nombreuse, très solennelle, représentant à la fois le roi et le royaume. George, sans s’y refuser, ajourna de mois en mois, d’année en année, « comme s’il eût deviné, dit M. Palacky, toutes les suites funestes de cette convocation. » Enfin, sur les instances de ses amis, qui, ne soupçonnant pas le piège, voyaient là une occasion de régler définitivement les difficultés pendantes, George envoya ses ambassadeurs à Pie II. Ils arrivèrent à Rome quelques jours avant les ambassadeurs de Louis XI.

Quel contraste ! l’ambassade du roi de France vient se soumettre, l’ambassade du peuple tchèque vient réclamer son droit. L’ambassade de Louis XI apporte une déclaration hypocrite, car Louis XI rit sous cape en courbant la tête, et ces privilèges qu’il restitue au pape, il espère bien en profiter tout seul. L’ambassade du roi George, loyalement, la tête haute, demande la consécration de la paix religieuse en Bohême et invoque la liberté de sa foi. Les uns sont des prélats politiques, les autres sont des chrétiens. Le 10 mars 1462, les envoyés du roi George arrivèrent à Rome par une triste journée de pluie ; le 13, les envoyés de Louis XI y firent leur entrée avec pompe par un splendide soleil. Admis aussitôt auprès du pape, ils parurent le surlendemain devant la plus solennelle assemblée de cardinaux, de prélats, de docteurs, et renoncèrent dans toutes les formes aux libertés de leur église. À la suite de cette déclaration, il y eut des réjouissances à Rome pendant trois jours. La populace fêta aussi à sa manière cette défaite de l’église gallicane : on lui livra le texte de la pragmatique sanction, et elle le traîna insolemment par les rues de la ville.


III

Pendant que les envoyés de Louis XI étaient reçus avec tant d’empressement et de solennité par le pape, l’ambassade du roi George, peu soucieuse d’ailleurs d’une solennité comme celle-là, était obligée de subir maintes formalités dilatoires avant d’être admise au Vatican.

Les principaux membres de la légation étaient le chancelier Procope de Rabstein, le sire Zdének. Kostka de Postupic, ami et confident du roi, le jurisconsulte français Antoine de Marini, alors au service du roi de Bohême, maître Wenceslas Wrebensky, doyen de Saint-Apollinaire, et maître Wenceslas Koranda, bourgmestre de Prague. Hus0sites et catholiques étaient en nombre égal. Le chancelier Procope de Rabstein, ancien ami du pape, avait à porter la parole au nom des catholiques de Bohème, le sire Kostka de Postupic, par son intimité avec le roi, était le mandataire le plus autorisé des hussites. À côté du chancelier Procope marchait le doyen de Saint-Apollinaire,