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que dans l’exécution de ses chemins de fer, réclame une attention particulière pour ses fabriques d’armes à feu, surtout à une époque où l’art de s’entre-tuer fait de si rapides progrès, par ses dentelles ses draps d’une qualité inférieure, mais d’un bon marché qui étonne, ses instrumens d’agriculture, et ses sculptures sur marbre ou sur bois. Un des plus charmans objets d’art dans toute l’exposition universelle est une chaire construite par MM. Coyers frères, de Louvain, et qui rappelle avec bonheur ces admirables ouvrages sur bois qu’on rencontre si souvent dans les églises de la Belgique.

Le groupe des races latines, l’Espagne, l’Italie et la France, présente, avec des variétés bien tranchées et des degrés de développement à coup sûr très sensibles, certains airs de famille dans la nature et le style de leur industrie. La plus reculée des trois est sans contredit l’Espagne ; à Dieu ne plaise que je refuse l’énergie du travail à une nation qui a fait et qui peut encore faire de grandes choses ; mais, si peu de sang arabe qu’elle ait dans les veines, la race ibérique, par son insouciance du bien-être matériel, par sa fière et superbe indolence au milieu des richesses d’un climat béni du soleil, surtout par une sorte d’immobilité dans l’ordre religieux qui en traîne toujours l’engourdissement de la vie civile, nous rappelle beaucoup trop les civilisations de l’Orient. Montesquieu, consulté dans les derniers temps de sa vie sur la nature de sa maladie, la définissait ainsi : « une grande impuissance d’être. » Une certaine impuissance d’agir et d’innover, qui n’est. point, je l’espère, pour l’Espagne une maladie mortelle, et qui tient plutôt à ses croyances qu’à un défaut de race, se traduit dans son industrie par des faits évidens. Si l’on regarde à son agriculture, dont elle étale pourtant avec amour les produits variés, on y découvre plutôt la force expansive d’un climat heureux que l’effort de l’homme et des machines pour conquérir la terre. Me dira-t-on que l’Espagnol est riche, en ce sens qu’il a peu de besoins ? J’admets, si l’on veut, qu’il en soit ainsi, et je le regrette, car c’est sur les besoins de l’homme toujours croissans que l’industrie greffe ses conquêtes. Le seul instinct vif par lequel la race espagnole se rattache à la famille des nations productives est le goût du luxe et le sentiment de la coquetterie. On retrouve en quelque sorte la poésie du Romancero dans ses éventails, ses armes, ses filigranes, ses arabesques, ses bijoux, ses étoffes d’or et de soie, ses mantilles, ses peaux de chagrin, ses blondes et ses dentelles chargées de riches broderies ; mais les arts mécaniques, auxquels seuls appartient le don de multiplier les fruits du travail, se montrent encore dans un état peu avancé. Le mot de Talleyrand : « pour être puissant, il faut être riche, » est surtout vrai des nations. Si forte et si intelligente que puisse nous sembler une race à d’au-