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pour ainsi dire un dialecte. Le zend ou langue des anciens Perses participe, bien qu’à un degré déjà moindre, de cette aristocratie historique.

Ce que nous disons de la langue doit se dire aussi de la religion. Les croyances religieuses qui inspirent les chants les plus anciens des Védas représentent presque exactement le patrimoine que chacun des peuples issus du tronc primitif emporta avec lui en se répandant sur la terre. Et pour en revenir à notre sujet spécial, voilà pourquoi la science des étymologies et des religions grecques, forcée de s’arrêter à chaque pas devant d’insolubles problèmes, tant qu’elle était circonscrite dans le dictionnaire et dans la tradition purement helléniques, a pu augmenter indéfiniment ses trésors depuis que la philologie comparée, s’emparant de cette riche veine si longtemps ignorée, lui a permis de rapprocher des Védas la langue et les croyances d’Homère, d’Hésiode et de Pindare.

Pour connaître les origines du mythe de Prométhée, il faut donc remonter dans les croyances de notre race plus haut que les plus anciens poètes grecs, et c’est la littérature des Védas qui nous permettra de le faire ; mais en même temps nous voici en face d’un de ces problèmes délicats et graves que pose à notre intelligence civilisée la grande question de la vie primitive de l’humanité. Comment l’homme, découvrit-il le moyen de faire du feu ? On cite avec éloges les noms des grands inventeurs qui, depuis les temps historiques, ont arraché quelques-uns de ses grands secrets à la nature jalouse, nous délivrant ainsi de la servitude et fondant le règne de l’esprit sur la matière ; mais qui saura jamais le nom du grand génie qui le premier dota l’humanité du pouvoir divin de créer à volonté la chaleur et la lumière ? C’est lui vraiment qui est le père de la civilisation. Que l’on songe à ce que l’homme pouvait être sans feu ! Il lui était à peine possible de dépasser la vie grossière par laquelle il dut commencer quand il s’éveilla dans la forêt primitive à l’état d’innocence et d’animalité : pour nourriture, les fruits de la forêt et la chair crue ; pour arme, un bâton arraché de l’arbre à grand’peine, tout au plus une pierre mal aiguisée contre une autre ; pour demeure, les cavernes ou des gourbis de feuillage ; pour vêtement, du feuillage encore ou les toisons des animaux déchirées avec ses ongles, telles pouvaient être ses seules ressources. Pas d’agriculture sans métal pour creuser la terre, et pas de métal sans feu. Pas de lumière pendant l’obscurité des nuits. Impossible de s’avancer vers les régions tempérées où l’hiver condamnait l’homme à mourir de froid et de faim, ou du moins le plongeait dans un hébétement inerte, à plus forte raison défense absolue de se répandre dans les contrées du nord. Pas de foyer domestique non plus, par conséquent aucun de ces liens sacrés qui réunissent le père, la