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tions et les poésies de la contrée. La plupart des sujets et des dessins sur porcelaine ont été fournis par Thorwaldsen, un sculpteur danois, dont on admire aussi trois statues. Thorwaldsen était depuis quelques années à Rome, où, malgré son ardeur au travail et un véritable talent, il luttait obscur contre les dures nécessités de la vie. En proie à l’un de ces accès de découragement qui saisissent parfois les plus heureuses natures, il avait résolu de quitter Rome et de renoncer aux arts, quand à ce sombre moment de doute et de désespoir il fit la rencontre d’un Anglais, M. Hope, qui lui acheta une statue. Cette statue de Jason, qui figure au premier plan de la cour danoise, fut payée un prix beaucoup plus élevé que celui demandé par la modestie de l’artiste. À dater de ce jour, Thorwaldsen reprit courage. Quoiqu’il eût déjà fait signer ses passeports, il resta à Rome, où sa carrière ne fut plus jusqu’à sa mort qu’une suite de triomphes. Outre la statue de Jason, le département danois contient quelques autres ouvrages de Thorwaldsen, un Mercure et son portrait par lui-même. Il y a aussi une statue de Bissen, dont le nom est connu en Europe par d’autres titres à l’estime publique, comme étant le premier savant qui ait indiqué l’application de l’électricité à l’usage des télégraphes. Ne voilà-t-il pas un ensemble de témoignages bien fait pour nous donner une idée favorable de l’activité d’une race reléguée par la nature sur un des coins obscure du globe ?

L’Allemagne se trouve divisée à l’exposition comme elle l’est en réalité par les barrières et les accidens géographiques ; son unité est dans la race saxonne. La Prusse, l’Autriche, la Ravière, le Hanovre, le grand-duché de Hesse, la Saxe, le Wurtemberg, le duché de Mecklenbourg-Schwerin, les villes hanséatiques, sont représentés dans des départemens particuliers, dont quelques-uns occupent une place considérable. Là tout se trouve exposé, depuis les plus riches ouvrages de bijouterie jusqu’aux boîtes d’allumettes. Pourquoi non ? L’art de faire le feu est, selon Joseph de Maistre, la limite qui sépare l’homme du singe ; il est donc naturel de croire que cet art se développe avec des nuances curieuses et infinies dans le mouvement successif des sociétés. On comprendra pourtant que je ne m’attache qu’aux caractères généraux de l’industrie saxonne. Dans cette lutte héroïque contre les lois du temps, de la pesanteur et des distances, qui constitue le véritable cachet des découvertes modernes, la Prusse se distingue par des qualités fortes et éminentes, un esprit philosophique, les ressources de la science mises au service du travail manuel, ce courage de la patience qui conquiert les choses, et une sorte d’ambition nationale qui ne recule devant aucun sacrifice. Ses fabriques sont représentées avec honneur par des tissus de soie, de lin, de laine et de coton. Ce n’est pourtant point dans ces grandes industries centralisées, servies par les machines et