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par les armes. Le général Prim fut extrêmement irrité, et sur la proposition que lui fit l’amiral Jurien de La Gravière de marcher aussitôt contre Zaragoza, il répondit avec vivacité : « Si telle est votre résolution, je vous promets qu’avant deux jours le général Zaragoza n’aura plus d’armée. — C’est bien en effet ma résolution, reprit l’amiral ; je me mettrai en marche au moment précis que vous m’indiquerez. » Survint une parole froide de sir Charles Wike, faisant observer que ce mouvement était impossible, et le feu du général Prim diminua sensiblement. Il écrivit d’abord une réponse très vive à Zaragoza, puis il l’atténua sous l’influence du plénipotentiaire anglais. D’ailleurs l’entreprise n’était pas sans difficulté. Il fallait aller de la Tejeria à la Soledad, où se trouvait l’armée mexicaine, faire sept lieues dans un désert sans eau, puis se battre. On retombait toujours sur cette inexorable réalité.

Au fond, à travers ces incidens, on pouvait suivre un double fait : d’abord un système de négociations pacifiques, de transaction, tendait manifestement à se substituer au système d’action qui avait été dans les prévisions de l’alliance du 31 octobre, et de plus il était visible que le général Prim se rapprochait de plus en plus de sir Charles Wike. Ce n’est pas qu’il n’eût toujours avec l’amiral français les relations cordiales et confiantes qui s’étaient formées dès le commencement de l’expédition ; mais dans toutes les résolutions il y avait une évidente intelligence entre le plénipotentiaire espagnol et le plénipotentiaire anglais. Peut-être le bruit de l’arrivée prochaine du général de Lorencez et de nouvelles forces françaises qui, en élevant l’importance de notre contingent, pouvaient diminuer la prépondérance de l’armée espagnole, n’avait-il pas peu contribué à ce rapprochement. Quoi qu’il en soit, l’identité de politique devenait complète ; elle résistait même à des incidens pénibles pour l’amour-propre du plénipotentiaire espagnol. Le général Prim, comme sir Charles Wike, inclinait de plus en plus à la paix. L’un et l’autre, écartant et combattant toute combinaison, à leurs yeux chimérique, croyaient pouvoir s’entendre avec l’homme que le ministre d’Angleterre signalait précisément à lord John Russell, et dans lequel ils voyaient le représentant d’un libéralisme modéré, le ministre des affaires étrangères de M. Juarez. Ce fut l’origine d’une entrevue du général Prim et du général Manuel Doblado, entrevue d’où sortait la convention préliminaire de la Soledad, qui imprimait un caractère tout nouveau à l’expédition, ou qui peut-être ne faisait que révéler le caractère qu’elle prenait par degrés, depuis le jour du débarquement, sous la pression de circonstances assurément très compliquées.

Cette convention, signée dans un petit village du Mexique, œuvre propre du général Prim, momentanément chargé de représenter