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fécondés par le travail libre, pourront donner plus tard un démenti à ceux qui nient le progrès chez cette race utile et malheureuse ?

Un autre état plus ou moins africain, quoique de races très mêlées, a tenu à figurer dans l’exposition universelle : c’est Madagascar. Cette île est depuis un demi-siècle le théâtre d’une lutte des plus intéressantes entre la barbarie et la civilisation. Parmi les objets qu’elle a envoyés, j’ai remarqué une chaise de fer, grande merveille pour un peuple qui débute dans l’art de la métallurgie, des instrumens de corne, des étoffes, des armes, mais surtout des boches et une lampe, — symboles de l’agriculture et de la vie de famille. Une île des Indes occidentales, où les nègres ont été transportés et où ils forment maintenant, quoique assez mêlés, le caractère de la population, Haïti, me rappelle, avec ses serrures de bois, l’enfance de la propriété ; elle étale pourtant des richesses très réelles, son coton, ses bois d’acajou, et surtout une plante marine (sea weed) que l’art a convertie en une sorte de substance minérale, et dont il tire les objets les plus élégans. Il est extrêmement curieux de trouver ainsi à chaque pas, en face des produits de la nature, les industries auxquelles ils ont donné naissance, et qui ont servi à établir un lien commercial entre les diverses nations du globe.

Ici encore se présentent deux ordres de faits : tantôt la race éthiopique se montre indépendante et abandonnée à elle-même ; tantôt au contraire, comme dans les colonies britanniques, elle apparaît dominée par la race blanche, qui exerce alors sur le travail des nègres l’action de l’intelligence et de la volonté. Port-Natal, cette île de l’Afrique, dont on ne soupçonnait guère jusqu’à présent les richesses, dont la topographie était même très mal connue, se trouve en quelque sorte transportée à l’exposition de Londres avec tous ses produits, tous les accidens du climat, une excellente carte géographique, des portraits d’indigènes, parmi lesquels se distingue celui d’Umpanda, le roi noir d’Amlezala, des peaux de lion, des objets de toilette, en un mot toute une histoire de la vie sauvage industrielle et domestique. D’autres colonies anglaises, le groupe des Indes occidentales, où la race noire, introduite par les marchands d’esclaves et maintenant émancipée, forme encore la base de la population travailleuse, les Bahamas, la Jamaïque, l’île Saint-Vincent et l’île de la Trinité, nous montrent à côté des richesses brutes de la nature les procédés des manufactures qui les transforment. Le travail du nègre, associé à celui de l’homme blanc, s’étend sur presque tout le sud du continent américain ; il apparaît surtout dans les splendeurs du Brésil. Qui a cultivé ces lourdes grappes de coton ? qui a extrait les minéraux précieux et lavé dans les sables les diamans bruts ? Ces mêmes mains noires sur lesquelles nous regrettons de voir peser les