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Chacun alors se précipita pour voir l’exposition. De grandes allées, nefs ou transepts, qui forment les artères de la circulation et qui se montrent plus ou moins encombrées de statues, de trophées industriels, conduisent aux différens quartiers dans lesquels se massent les produits de toutes les nations. Un des plus beaux ornemens est une fontaine en majolique de MM. Minton, laquelle jette de l’eau et rafraîchit agréablement l’intérieur de l’édifice. Du pied de cette fontaine, la vue s’étend et se perd sur un labyrinthe de richesses, fruits éclos, suivant Tennyson, sous chaque étoile du firmament, instrumens de travail et objets de luxe, arts de la paix mêlés aux arts de la guerre, comme le bien et le mal dans la vie humaine : ici les sombres mystères des mines, là les apparitions dorées du paradis de Mahomet. Où trouver un fil conducteur qui nous permette de nous diriger dans ce dédale et de saisir les principaux groupes de faits sans nous perdre dans les détails ? Ce fil conducteur, je le chercherai dans la pensée même qui a présidé aux travaux du comité, mais qui ne se dégage point assez dans l’économie un peu confuse de cette foire du monde (world’s fair). Plus encore que l’exposition de 1851, qui laissait entrevoir beaucoup de lacunes[1], celle de 1862 est un cours de géographie pittoresque où les nations se représentent tour à tour par les produits de la nature et par les ouvrages fabriqués de main d’homme.


II.

Le premier mouvement du visiteur à son entrée dans le palais de South Kensington est de s’égarer tout de suite au milieu des merveilles étalées avec pompe par l’Angleterre, la France, l’Allemagne et l’Italie. Qu’on ait pourtant le courage de résister à cette attraction bien naturelle, et, comme on l’a dit, à cette concupiscence des yeux. Est-ce pour rien que toutes les saisons, toutes les contrées ont été rassemblées dans le palais de l’exposition universelle ? Les nations civilisées ont profité et profitent encore tous les jours des ressources que leur offrent les pays les plus éloignés, ainsi que du travail séculaire des nations barbares. N’est-il point alors intéressant de prendre l’industrie à son point de départ, de la suivre d’étape en étape dans le développement des races, et de voir ainsi apparaître les degrés successifs de la puissance humaine à travers les groupes de produits envoyés de tous les coins de la terre ? Nous commencerons donc notre voyage dans ce cosmos industriel par la partie de l’Afrique sur laquelle règne la race noire, et qui en est encore à l’enfance des arts utiles.

  1. Voyez, sur l’exposition de 1851, l’intéressante étude de M. Alexis de Valon, Revue du 15 juillet 1851.