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modération, et que dès qu’il apprit les violences de Capistran, il lui écrivit une lettre foudroyante (mai 1452). En attaquant l’archevêque de Prague, Capistran avait réveillé toute l’impétuosité du jeune chef, car l’archevêque, c’était l’église nationale, et si George était quelque chose en Bohême, c’était pour défendre l’église et l’archevêque.

Cette fière attitude du lieutenant du royaume amena un incident fort extraordinaire, un incident qui peut jeter quelque jour sur le caractère de l’église de Bohême, et dont nous devrons nous souvenir quand nous aurons à juger par la suite les luttes de Podiebrad avec le saint-siège. L’église grecque, s’il faut en croire certains symptômes, suivait avec un vif intérêt les événemens religieux de la Bohême. L’année même où George de Podiebrad faisait honte au légat du pape de ses violences anti-chrétiennes, les théologiens de Constantinople invitèrent les hussites à se réunir à l’église d’Orient. Nous avons ce document en grec et en latin. On y félicite les Bohémiens d’avoir résisté aux innovations romaines, on leur promet un accueil sympathique, une existence paisible, un refuge contre l’oppression ; il y est parlé, bien entendu, de la suprême autorité de l’église grecque, mère et maîtresse de tous les orthodoxes, source de vie, fontaine de vin et de lait, mais il est dit en même temps que les dissidences, s’il y en a, seront conciliées par l’intermédiaire du Saint-Esprit, le plus vrai de tous les juges. Cette missive, en l’absence du patriarche, était écrite au nom de toute l’église orthodoxe et signée de ses représentans les plus considérables, trois évêques et trois docteurs. Parmi ces derniers était ce savant Gennadius, qui avait joué un rôle important au concile de Florence, et qui, élu patriarche pendant le siège de Constantinople, rendit de si grands services à l’église au milieu de l’horrible désastre, que son souvenir est vénéré aujourd’hui encore chez tous les chrétiens d’Orient. La lettre fut remise au consistoire hussite par un prêtre grec nommé Constantinus Angelicus. Le consistoire répondit avec un singulier mélange de reconnaissance et de fierté ; avant de remercier l’église de Constantinople, les hussites rappellent qu’ils doivent tout à Dieu, que la grâce de Dieu les a éclairés, les a ramenés au christianisme primitif, et que dans les jours néfastes où l’Antéchrist, après avoir brûlé leurs frères, envoya contre les disciples de l’Évangile des armées innombrables pour les anéantir, ce fut encore Dieu qui combattit à leur tête et chassa l’ennemi du territoire national. Ces nobles paroles ne semblent-elles pas indiquer la prétention de former une église à part, une église ayant son existence distincte, quoique attachée à la communauté universelle, une église chrétienne communiquant d’une façon directe avec celui qui est la voie, la vérité et la vie ? Les hussites ne refusaient pas cependant de former alliance avec l’église de Constantinople ; on voit par leur réponse qu’ils