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frère Wenceslas. Le petit-fils de Sigismond était donc roi de Hongrie et de Bohême par son grand-père, comme il était duc d’Autriche par son père ; mais l’empereur, trouvant un prétexte tout naturel dans les troubles qui désolaient ces deux pays, s’obstinait à garder auprès de lui le royal enfant, jusqu’à l’heure, disait-il, où il deviendrait homme. Il s’était emparé de cette tutelle et la prolongeait à son gré. L’héroïque Jean Hunyade, tant de fois vainqueur des Turcs, gouvernait sagement la Hongrie, et l’empereur, comptant sur les péripéties de l’avenir, aimait mieux voir un simple seigneur qu’un prince souverain à la tête d’un royaume que des événemens inattendus pouvaient lui attribuer par la suite. La situation de la Bohème, moins satisfaisante jusque-là, ne venait-elle pas de s’éclaircir ? Podiebrad ne pouvait-il pas rendre aux Tchèques les mêmes services que Hunyade rendait aux Magyars ? C’est ainsi que l’idée de conférer la lieutenance du royaume de Bohême à George de Podiebrad s’éveilla peu à peu dans l’esprit circonspect et temporisateur de Frédéric III. Il avait jusqu’alors soutenu le parti catholique de Bohême, parce que le chef de ce parti, Ulrich de Rosenberg, avant tout dévoué à l’empereur, se prêtait à ses desseins et lui abandonnait volontiers la tutelle de Ladislas ; il passa du côté de Podiebrad, quand il vit que Podiebrad était le plus fort et se trouvait en mesure de le servir bien plus énergiquement que le baron de Rosenberg. Il pensait que le chef des hussites, une fois lieutenant du royaume, ne demanderait pas mieux que de faire durer cette situation, et que le couronnement de Ladislas comme roi de Bohême était pour longtemps ajourné.

Assurés de la protection de l’empereur, les amis de George convoquent un parlement à Prague, et c’est là que, le 23 avril 1452, jour de son saint patron, les députés du royaume défèrent la lieutenance au jeune chef, en lui donnant pour mandat de pacifier le royaume et d’y rétablir la tranquillité publique sur des bases assez solides pour que la Bohême pût enfin obtenir son roi et son archevêque, c’est-à-dire un chef temporel et un chef spirituel. Ces conditions étaient remarquables ; l’homme qui les acceptait, et qui sans doute les avait provoquées lui-même, n’était pas le personnage ambitieux sur lequel comptait Frédéric III. Un roi, un archevêque, Ladislas et Rokycana, voilà ce que demandaient les hussites ; c’était aussi ce que le jeune chef, dans l’ardeur de son patriotisme, avait juré de donner a la Bohême.

On le vit bien des les premiers actes de son gouvernement. Le pape avait envoyé en Allemagne deux nouveaux légats, le cardinal Nicolas de Cuse et l’évêque Jean Capistran, avec mission spéciale de surveiller de près les affaires de Bohême. Nicolas de Cuse, l’un des plus savans hommes de l’époque, unissait la sagesse d’un politique