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de ces deux champions si puissamment armés, l’un est l’oncle, l’autre le neveu ; Catherine de Wartemberg, femme du vieux sire de Rosenberg, est la sœur d’Anna de Wartemberg, mère du jeune sire de Podiebrad. Représentée par ce vieillard et ce jeune homme, la lutte des partis qui déchirent la Bohême est presque une lutte parricide.

Ce fut d’abord une guerre de ruses et de mensonges. Ulrich de Rosenberg, pour tromper la vigilance de George, et aussi pour se faire des amis en Bohême, feignait de s’intéresser à la cause de Rokycana ; il signait, lui et les Siens, les pétitions que George de Podiebrad envoyait à Vienne et à Rome, puis, par missives secrètes, il perdait Rokycana et Podiebrad dans l’esprit du pape et de l’empereur. Ce système de calomnies allait devenir plus funeste encore : Eugène IV venait de mourir, au moment même où l’empereur Frédéric III s’était décidé enfin à le reconnaître et avait retiré sa protection au concile (23 février 1447) ; le pape élu dix jours après sous le nom de Nicolas V était un ami particulier de Rosenberg, qui avait eu l’honneur de le recevoir dans son château de Krumau, quand il se nommait simplement Thomas de Sarzana ou le cardinal de Bologne. Le choix du nouveau pape augmentait singulièrement le crédit de Rosenberg, même parmi les hommes de sa nation, car ce n’était pas chose indifférente d’avoir la confiance du saint-père, tant que la Bohême n’avait pas rompu avec la cour de Rome. Ce fut bien mieux encore quand on vit arriver à Prague un autre ami de Rosenberg, le cardinal Carvajal, expressément envoyé en Bohême pour examiner l’état des choses et donner une solution définitive à l’affaire de l’archevêque Dans toutes les révolutions, on voit des hommes faibles qui, une fois la lutte engagée, ont peur de la soutenir et sont prêts à tout livrer par un impatient désir de la paix ; de concessions en concessions, le sire Meinhardt de Neuhaus, chef des calixtins modérés, en était venu à faire cause commune avec Ulrich de Rosenberg. « Il n’y a qu’un moyen de rétablir la paix, disait Rosenberg au vieux seigneur féodal : c’est de nous soumettre à Rome, car Rome ne cédera pas. Et en vérité quel prix attachez-vous donc à ces compactats du concile ? Rome, dès que vous serez soumis, vous fera des concessions plus sérieuses ; il faut seulement qu’elle puisse les faire en toute liberté, et non sous la pression d’un concile qu’elle maudissait, d’un concile qui a osé prononcer la déchéance du pape romain et dont l’autorité n’existe plus. » Ces argumens, développés avec art, avaient produit leur effet. Rosenberg se croyait sûr de l’adhésion d’une moitié des hussites, et l’ambassade de Carvajal, arrivant en grande pompe, les mains pleines de bénédictions et de présens, allait consommer, il n’en doutait pas, l’alliance du parti romain et des calixtins modérés.

C’est le 1er mai 1443 que le cardinal Carvajal fit son entrée à