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griefs religieux, soit qu’il dénonce les usurpations de l’empereur et revendique les vieilles libertés nationales, il trace le tableau de cette réaction qui avait repris en si peu de temps les conquêtes scellées du meilleur sang de la patrie.

Voilà donc ce qu’avaient produit la modération et le désir de la concorde ! On avait consenti à négocier avec le concile de Baie, on avait donné des otages, rendu des places fortes, renoncé aux droits de souveraineté sur maintes parties de la Bohême, on avait désarmé enfin pour faciliter la paix religieuse, et on n’avait fait que se livrer à l’ennemi. Mais les hommes qui tenaient ce langage n’en étaient pas encore réduits aux gémissemens, ni même à une guerre de paroles. Il y avait encore dans les lieux hauts plus d’un château-fort qui pouvait fournir des ressources aux opprimés ; sans compter la république taborite, inaccessible dans ses montagnes, et dont le silence farouche était une perpétuelle menace, il y avait encore de vigoureux débris des vieilles bandes ; tous les compagnons de Ziska et de Procope n’avaient pas rendu leur âme au dieu des armées. On ne sait pas ce que la diète de Prague répondit au discours du sire de Miletinck, on ne sait pas non plus ce qu’en pensa l’empereur, ni quelles résolutions lui inspirèrent ces fières paroles ; il est certain seulement que, dans les semaines qui suivirent (octobre et novembre 1437), plusieurs coups de main furent tentés sur les villes où flottait la bannière de Sigismond. Inutiles tentatives : l’empereur et le parti romain s’étaient trop fortement établis dans les positions importantes. Les vœux de la nation pouvaient soutenir en secret ces intrépides soldats de la foi commune ; au fond, la nation était lasse. Et puis à quel chef eût-elle pu se rattacher ? Il faut un homme pour rallier la multitude, un homme déjà désigné par ses actes, et qui puisse justifier la confiance de tous. Les seigneurs hussites qui avaient essayé de soulever l’ancienne Bohême aux mois d’octobre et de novembre 1437 furent réduits à leurs seules forces et promptement écrasés.


II

Il y eut quelque chose de pire que la réaction pour la Bohême, ce fut l’anarchie. L’empereur Sigismond étant mort peu de temps après les événemens que nous venons de rapporter (9 décembre 1437), son gendre Albert d’Autriche lui succéda comme roi de Bohême et mourut lui-même après un règne d’un an et dix mois. Bien que sous Albert comme au temps de Sigismond la cause nationale ait été opprimée par le parti impérial et romain, la mort d’Albert fut regardée comme une calamité publique. Après tout, les violences exercées contre les hussites entretenaient les sympathies du peuple en leur faveur,