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Gustave Droysen, mettait au jour un volume qui porte ce titre : La royauté de George de Podiebrad, étude sur le développement de l’état en face de l’église catholique[1].

Je voudrais profiter à mon tour de ces précieux documens. La lutte de l’église et de l’état, l’avenir des formes religieuses, les rapports des diverses communions chrétiennes, ces grands problèmes et d’autres encore sont mêlés aux aventures du roi George ; je voudrais raconter, comme je la comprends, cette dramatique histoire, et en faire jaillir les idées qu’elle renferme. M. Palacky est souvent un peu long, et comment lui reprocher les richesses qui embarrassent sa marche ? M. Jordan est trop systématique ; son récit a quelque chose d’une construction hégélienne. Après M. Jordan, comme après M. Palacky, il reste encore quelque chose à dire sur l’audacieux roi de Bohême. Essayons de mettre en son vrai jour cet épisode si heureusement retrouvé ; tâchons de rendre plus accessibles ces trésors de science amassés avec un soin religieux. N’est-ce pas le plus digne hommage que nous puissions offrir à M. Palacky ? N’est-ce pas la meilleure façon d’honorer une œuvre où le mérite de l’érudition et de l’art, si éminent qu’il soit, le cède pourtant, et de beaucoup, à la générosité du patriotisme ?


I

Le jeudi 5 juillet 1436, la petite ville d’Iglau, en Moravie, fut le théâtre de l’une des scènes les plus mémorables de l’histoire de Bohême. Dès les premières lueurs du matin, une foule immense couvrait la place principale et les rues environnantes. Un trône splendidement orné, des estrades somptueuses, attiraient tous les regards. Au lever du soleil, comme pour témoigner qu’un jour nouveau se levait aussi sur la chrétienté, l’empereur d’Allemagne Sigismond monta les degrés du trône. Devant lui, trois des plus hauts dignitaires de l’empire, parmi lesquels était le duc Albert d’Autriche, portaient la pomme, le sceptre et l’épée de justice. À sa droite s’assirent les députés du concile de Bâle, un peu plus loin les représentans des hussites. En face, on apercevait l’impératrice avec sa cour, et autour d’elle un grand rassemblement des divers ordres de la nation, princes et nobles, bourgeois et paysans, Il y avait, non loin du trône de l’empereur, des places réservées aux notaires et greffiers impériaux chargés de consigner par écrit tout ce qui allait se passer.

  1. Das Koenigthum Georg’s von Podiebrad. Ein Boitrag zur Geschichte der Entwickelung des Staates gegenüber der Katholischen Kirche, von Max Jordan ; 1 vol. Leipzig,