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et retenue dans son lit. On cessa de lui donner le titre de princesse d’Angleterre, elle ne prit plus de leçons d’anglais ; l’ambassadeur anglais ne fut plus admis à la voir ni à lui remettre des lettres ; les diamans et autres présens de mariage ne furent pas immédiatement renvoyés au roi Jacques, mais on dit tout haut qu’ils le seraient quand les dépêches des ambassadeurs espagnols à Londres auraient confirmé ce que le rappel de lord Bristol faisait présumer. Enfin Philippe IV partit de Madrid pour aller visiter les ports d’Andalousie et la flotte, qui eut ordre de s’y réunir. « Les langues sont ici déchaînées sur les procédés de sa majesté et de son altesse, écrivit sir Walter Aston au secrétaire d’état Conway. Je fais tout ce que je puis et tout ce qu’autorisent mes instructions pour leur donner, des intentions réelles de notre roi, une meilleure idée ; mais plusieurs me disent nettement que, pendant que je dis une chose, les actions de sa majesté et de son altesse sont toutes contraires. Je crois donc de mon devoir de vous avertir qu’ils ne s’attendent ici à rien moins qu’une guerre, qu’ils ont déjà tenu plusieurs conseils à ce sujet, et qu’ils se mettent sérieusement à l’œuvre pour se préparer à ce qui peut arriver. Autant que j’en puis juger, il est grand temps que sa majesté prenne quelque moyen de dissiper cet orage, ou qu’elle fasse des préparatifs analogues. »

Rien ne déplaisait plus au roi Jacques qu’une telle perspective : « La guerre, disait-il, ne rendra pas à mon gendre le Palatinat. » Vers Noël, il quitta Newmarket, revint à Londres, convoqua son conseil et lui soumit ces deux questions : le roi d’Espagne a-t-il voulu sincèrement le mariage de l’infante avec le prince de Galles ? dans la négociation relative au Palatinat, a-t-il violé l’alliance entre les deux royaumes de façon à mériter qu’on lui déclare la guerre ? La perplexité du conseil fut extrême ; la plupart de ses membres étaient dans la clientèle de Buckingham ; tous savaient avec quelle ardeur il était devenu l’ennemi de l’Espagne, tous redoutaient son pouvoir sur le roi et sur le prince, les exigences et les emportemens de son orgueil. « Que la liberté d’un pauvre homme est préférable à la servitude d’un grand-officier de la couronne ! disait le garde des sceaux Williams à ses affidés ; faut-il que je perde mon patron ou ma raison ? » Buckingham le menaça hautement de le ruiner s’il ne lui demeurait pas fidèle. La loyauté politique et sans doute aussi la connaissance qu’on avait des désirs secrets du roi prévalurent dans cette occasion sur les instances et les menaces du favori ; presque tous les membres du conseil votèrent que le roi d’Espagne avait voulu sincèrement le mariage et qu’il n’y avait pas, dans sa conduite quant au Palatinat, motif de lui déclarer la guerre. Buckingham sortit furieux du conseil, « poursuivant et querellant les conseillers