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eu lieu, n’avait nul fondement, et ne pouvait décemment servir de prétexte au retard de cette cérémonie. Quant au mariage même, Bristol leur fît observer que les pouvoirs laissés entre ses mains pour autoriser le roi Philippe IV ou l’infant don Carlos à représenter ce jour-là le prince de Galles expiraient précisément à Noël, et qu’ainsi on ne pouvait honorablement demander que la célébration fût ajournée jusqu’à cette époque, puisque Charles n’aurait plus alors à Madrid de représentant légal. On envoya à Bristol de nouveaux pouvoirs qui prolongeaient au-delà de Noël ceux qui lui avaient d’abord été remis ; mais, sur la question encore en suspens, la restitution du Palatinat à son gendre, le roi Jacques définit et maintint plus rigoureusement qu’il n’avait encore fait ses exigences. Il demanda formellement que le roi d’Espagne intervînt comme médiateur auprès de l’empereur Ferdinand II, pour faire rendre complètement et sans réserve au palatin ses états, son rang et ses droits d’électeur, qu’un terme fût fixé à cette médiation, et que si, ce terme arrivé, la médiation n’avait pas réussi, le roi d’Espagne unît ses armes à celles de l’Angleterre pour contraindre l’empereur à la restitution demandée. Et ce ne fut pas sur les seules questions politiques que le roi Jacques se montra exigeant. « Quant à la dot, écrivit-il à lord Bristol, nous repoussons absolument les joyaux et la rente annuelle, comme contraires au premier arrangement, et nous attendons la somme totale en espèces, à des termes dont on conviendra. Nous vous enjoignons de régler expressément cet article avant de remettre les pouvoirs qui sont entre vos mains. »

La cour de Madrid fut surprise : Jacques ne l’avait pas habituée à tant de raideur. Un incident diplomatique vint accroître ses défiances. Peu de jours après l’arrivée, du prince Charles auprès de son père, les deux ambassadeurs espagnols, qui ne l’avaient pas encore vu, le marquis d’Inojosa et don Carlos de Coloma, partirent de Londres pour aller à Royston le féliciter. Dans la route, à Buntingford, un messager vint au-devant d’eux leur dire, de la part du roi, que soit le jour même, soit le lendemain, comme cela leur conviendrait, il leur donnerait audience à Royston, et le prince après lui, mais que, dans l’une et l’autre hypothèse, ils seraient obligés de retourner immédiatement à Buntingford, Royston étant un lieu mal préparé pour de telles réceptions. Le marquis d’Inojosa fut choqué d’autant plus que, la semaine précédente, l’ambassadeur de France, le comte de Tillières, avait été reçu et logé à Royston avec une extrême courtoisie de toute la cour. Le vent soufflait donc là vers la France. Les deux Espagnols se rendirent à Royston et en repartirent aussitôt, se disant satisfaits de l’accueil qu’ils avaient reçu, mais irrités et pleins de soupçons. Ils rendirent sur-le-champ compte à