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« Au sérénissime prince de Galles, mon frère.

« Sérénissime seigneur,

« Puisque je n’ai pu, à cause du départ si prompt de votre altesse, l’accompagner jusqu’à la mer, comme je le désirais, j’ai voulu dire par cette lettre à votre altesse que je me tiens pour si obligé envers elle et envers le sérénissime roi de la Grande-Bretagne, qu’aucun pouvoir au monde ne me détournera d’accomplir tout ce qui a été convenu avec votre altesse, et de faire tout ce qui pourra resserrer encore nos liens d’alliance et d’amitié. Je promets à votre altesse d’écarter tous les embarras et les obstacles qui pourraient s’y opposer dans mes royaumes, et j’espère que votre altesse et le sérénissime roi de la Grande-Bretagne en feront autant, car nos intentions et nos désirs sont les mêmes. Et pour gage de cette confiance et sincère amitié, je confirme tout ce qui a été dit, j’embrasse votre altesse et je lui donne cette lettre écrite de ma main à Saint-Laurent le 12 septembre 1623. »

Charles répondit sur-le-champ au roi :

« Sérénissime seigneur,

« Je ne puis me consoler d’avoir quitté votre majesté et de la solitude où je me trouve, après avoir joui, dans sa compagnie, de tant de bonté et de contentement, qu’en me disant que j’ai empêché votre majesté de venir avec moi jusqu’à la mer comme elle le voulait, car sa majesté la reine est si avancée dans sa grossesse et les chaleurs sont si fortes que c’eût été mettre en péril la santé de vos majestés, dont je désire la complète sécurité ; cela nous importe beaucoup, au roi mon seigneur et père et à moi, après tout ce que j’ai éprouvé d’affection de votre majesté et après la lettre qu’elle vient de m’écrire de sa main. C’est pourquoi j’ai voulu dire, de ma main aussi, à votre majesté que j’ai la ferme résolution d’accomplir tout ce dont nous sommes convenus, mon père et moi, avec votre majesté, et de faire tout ce qui sera propre à resserrer, autant que possible, notre alliance et sincère amitié. Et quand même le monde entier voudrait y mettre obstacle, cela n’aurait, sur mon père ni sur moi, aucun effet, et nous tiendrions hautement pour ennemis ceux qui le tenteraient. Et en preuve d’amitié véritable, je confirme de ma main tout ce qui a été dit et j’embrasse votre majesté, que Dieu garde comme je le désire. — Ségovie » 13 septembre 1623, le bon frère et ami de votre majesté,

« CHARLES[1]. »

  1. Documens espagnols inédits.