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chers garçons, pendant que j’étais hier soir ; avec les ambassadeurs, occupé de prêter mon serment particulier après avoir prêté le matin mon serment public avec grande solennité, Audover a paru à ma porte comme un fantôme et m’a remis vos lettres. Puisque la chose ne peut pas se passer autrement, il faut bien que je m’en contente ; mais ce procédé est un déshonneur pour moi, et il m’impose une double charge, puisqu’il faudra que j’envoie deux flottes. S’ils ne veulent pas envoyer ici l’infante avant le mois de mars, qu’ils l’envoient, au nom de Dieu ! par leur propre flotte. Leurs ambassadeurs parlent hautement contre ce délai et protestent qu’ils écriront sérieusement pour faire changer cette résolution. Si cela ne se peut pas, pressez vous-même vos affaires ; la flotte sera à vos ordres dès que la saison et le vent lui permettront de partir, et mon messager vous porte des pouvoirs pour traiter au sujet du Palatinat et de la Hollande. En attendant, mon cher enfant, faites signer le contrat et obtenez les meilleures assurances possibles qu’on nous enverra l’infante l’année prochaine ; mais sur ma bénédiction n’en faites pas votre femme en Espagne, à moins que vous ne soyez sûr de l’emmener avec vous. Et n’oubliez pas de leur faire tenir leurs engagemens quant à la dot, sans quoi nous ferons banqueroute, mon garçon et moi. »

Avant d’avoir reçu cette lettre du roi son père et de pouvoir dire à Madrid qu’il avait consenti aux articles proposés et prêté le serment désiré, Charles avait fait de vains efforts pour obtenir que le gouvernement espagnol changeât, quant au départ de l’infante, ses dispositions dilatoires ; il annonça[1] au comte d’Olivarez que le roi son père lui ordonnait péremptoirement de retourner à Londres, et il lui demanda « en termes tristes et doux » par quel moyen il pourrait obéir à cet ordre sans ruiner l’affaire du mariage ? » Il y a deux bons moyens d’en finir, lui dit Olivarez, et un mauvais. Les deux bons sont, l’un, que vous vous convertissiez, l’autre que nous agissions avec vous en pleine confiance et que nous remettions toutes choses, y compris l’infante, entre vos mains ; le mauvais, c’est que nous persistions à marchander et que nous nous en tenions à nos conditions aussi longtemps que nous le pourrons. « Quant au premier moyen, écrivit Charles à son père, nous l’avons absolument rejeté ; le comte d’Olivarez nous a avoué que, s’il était le roi, il adopterait le second, et il le pourrait faire, car il est le roi ; mais il craint d’avoir à souffrir plus tard dans sa personne, si les choses ne tournent pas bien. Il reconnaît que le dernier moyen est impraticable, puisque votre ordre de retour est formel. — En résumé, dit Buckingham en continuant la lettre, le comte nous a promis d’y réfléchir, et quand

  1. Le 27 juin (7 juillet) 1624.