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pour une exposition universelle de l’industrie et des arts en 1862, nomma un comité qu’il revêtit de tous les pouvoirs nécessaires pour )’accomplissement de cette œuvre. Ici s’arrête, dès le commencement, l’intervention de l’état. L’histoire financière de la présente exhibition nous offre un spectacle qui étonnerait partout ailleurs qu’en Angleterre, celui d’une entreprise gigantesque tirée du néant en quelques mois par le seul fiat lux d’une charte royale octroyée à cinq commissaires. Il est vrai de dire que ce comité se composait d’hommes dont le nom alors inspirait la confiance. C’était le comte de Granville, le marquis de Buckingham et de Chandos, M. Thomas Baring, sir Wentworth Dilke et M. Thomas Fairbairn. Ce que les Anglais appellent quarantee fund, garantie pécuniaire, fut créé par plus de cent individus riches, appartenant plus ou moins à l’aristocratie ou au grand commerce, qui, dans un temps très court, donnèrent leurs noms pour la somme de 450,000 livres sterling. Sur la foi de telles signatures, la Banque d’Angleterre, d’ordinaire très soupçonneuse, prêta son argent à 4 pour 100, au fur et à mesure des besoins. C’est ainsi que, sans aucun appel direct au public, on pourrait presque dire sans bourse délier, le comité eut presque aussitôt sous la main les fonds nécessaires pour faire honneur à toutes les richesses du monde qui viendraient réclamer l’hospitalité dans le palais de l’exposition anglaise. Est-il besoin d’ajouter que les souscripteurs acceptaient à leurs risques et périls la responsabilité des pertes dans le cas où l’entreprise ne ferait point ses frais, comme aussi, en cas de succès, ils se réservaient d’en recueillir les bénéfices ? Au point de vue financier, cette organisation était excellente : d’un côté, elle mettait les fonds de l’état, c’est-à-dire la bourse de tous, à l’abri d’éventualités fâcheuses, et de l’autre elle empêchait que, dans aucune occurrence, les déficit pussent tomber sur le petit commerce, deux inconvéniens qui n’ont point été évités en France lors de l’exposition de 1855.

La première idée du comité constitué sur de telles bases, le premier devoir que lui prescrivait la charte royale, étaient de bâtir un édifice en rapport avec la grandeur et la magnificence de l’exposition universelle. Ici encore les arrangemens conclus avec les entrepreneurs du bâtiment se distinguèrent par un caractère de nouveauté : MM. Kelk et Lucas consentirent à accepter dans l’affaire leur part de responsabilité, et la somme qu’ils recevront pour l’exécution des travaux dépendra du succès matériel de l’exhibition. Quand se fermeront, en octobre prochain, les portes du palais élevé à l’industrie, le comité sera libre ou d’acheter l’édifice ou de payer pour les frais de loyer et d’usure, use and waste. Dans tous les cas, une somme de 200,000 livres sterling est garantie aux entrepre-