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LE
ROMAN EN FRANCE
DEPUIS L’ASTRÈE JUSQU’À RENÉ[1]

Le penchant qui nous porte à la lecture des romans n’est pas simplement l’attrait de notre esprit vers les choses qui le touchent sans lui coûter d’efforts. Il est vrai que l’on ne cherche souvent dans les œuvres de la littérature romanesque qu’un allégement des lourdes heures de la paresse ou de l’ennui, une distraction facile, un réveil de l’émotion ; mais c’est vouloir s’ignorer soi-même que d’en méconnaître le véritable esprit. L’esprit du roman n’est pas tout entier dans le récit d’événemens dramatiques ou vulgaires, dans l’expression des sentimens et des idées, dans la peinture de la société sous ses différens aspects ; il est dans l’union intime de tous ces élémens de la composition avec l’idée morale qu’ils contiennent, et il reçoit, de l’alliance du réel et de l’idéal, ce caractère de vérité qui nous touche par ses rapports avec notre double nature.

Le sentiment du vrai agit même sur la forme, sur cette forme si libre et si indéterminée que le romancier peut choisir au gré de son inspiration. Quand elle voile des idées trop hardies ou qu’elle prête une apparente beauté aux idées faibles ou fausses, elle ne les fait

  1. L’Académie Française a couronné, dans les pages qu’on va lire, un agréable et fidèle tableau du mouvement de la littérature romanesque en France depuis plus de deux siècles. L’histoire même de cette littérature a été l’objet de nombreuses études dans la Revue, et une série qui se continuera lui est même consacrée. On trouve ici indiqués et rapprochés avec finesse les traits principaux d’un sujet qui occupera longtemps encore, et à bon droit, l’histoire et la critique littéraires.