Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 40.djvu/45

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

neuf ans, et déjà le parti de l’unité catholique plaçait en elle sa plus ferme espérance. Les intrigues s’agitaient autour d’Honorius, la politique allait chercher Placidie.

De ces deux accusations liées l’une à l’autre, et au moyen desquelles on espérait perdre Stilicon, la principale, celle du crime de conspiration, ne pouvant aucunement se soutenir, la seconde tombe d’elle-même. Faire d’Euchérius un païen, sans un complot suivi d’une révolution religieuse, c’eût été pour Stilicon, d’après l’esprit du temps, un acte insensé, et, en admettant un instant le complot, l’acte n’eût guère été plus sage. Stilicon se serait aliéné, par cette apostasie indirecte, la masse entière des chrétiens, sans gagner la minorité faible et dédaigneuse dont mieux que personne il connaissait les rancunes; mais, si improbables qu’elles fussent, les deux accusations cheminèrent ensemble, alarmant d’un côté les amis de la maison de Théodose, de l’autre les partisans de l’unité catholique. Elles circulèrent d’un bout à l’autre de l’empire sous le patronage de noms vénérés, de grands évêques et de grands docteurs, que l’ardeur même de leur foi et le désir d’en écarter les périls portaient à croire beaucoup sur le compte de leurs adversaires. Les évêques qui, à l’exemple d’Ambroise, s’étaient d’abord rapprochés de Stilicon, s’en éloignèrent. Il se forma à la cour de Ravenne un gouvernement occulte tout prêt à saisir le jeune prince dès qu’il oserait secouer les derniers liens de sa tutelle. Stilicon semblait indifférent à ces attaques : soldat avant tout, il puisait sa force dans sa confiance. Quand ses amis essayaient de lui ouvrir les yeux, il les repoussait avec une incrédulité impatiente. Il avait besoin de croire toujours à la reconnaissance de Rome et à l’attachement de son pupille; surtout il ne voulait pas s’avouer à lui-même que son étoile avait pâli.

L’année suivante, 406, amena la perte de la Gaule, triste contre-partie de la victoire qui avait sauvé l’Italie. Ce second courant d’émigration barbare que nous avons fait voir remontant la vallée du Danube pour descendre dans celle du Rhin et se jeter sur la Gaule traversa la frontière romaine, près de Cologne, sans trouver presque de résistance, tant les camps permanens du Rhin étaient alors dépeuplés et presque déserts. Les Alains le conduisaient, et s’étaient grossis en route des Suèves et des Vandales-Astinges, qui avaient à leur tour traîné les Vandales-Silinges, fédérés de l’empire et compatriotes de Stilicon. Une fois entrées, leurs bandes, traversant la Gaule dans toute sa longueur, allèrent se cantonner entre les Pyrénées et la Loire, comme pour tenir à leur discrétion les deux riches provinces d’Espagne et de Gaule. Pour comble de désordre, les légions de Bretagne se révoltèrent, nommèrent empereur un simple soldat dont le nom leur parut de bon augure (il s’appelait Constantin), et vinrent