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une commission, qui ne pouvait être accusée d’aucun mauvais vouloir par le gouvernement, car elle avait été nommée par lui pour informer sur l’état des arsenaux, proclamait dans son rapport qu’ayant fait examiner la comptabilité de l’un des principaux ports de l’Angleterre pendant huit mois, elle y avait relevé plus de huit mille erreurs. Enfin, pour ce qui touche à l’ordre moral, si important à maintenir toujours, et surtout dans un corps militaire, on n’a sans doute pas oublié les exemples d’indiscipline flagrante qui signalèrent la campagne de 1840, ni ceux que l’on put observer dans la Mer-Noire en 1854, ni ce que disait sir Charles Napier de la flotte qu’il commandait dans la Baltique, ni les actes d’insubordination collective qui se sont manifestés plus récemment parmi les équipages du vaisseau le Princess Royal, de la frégate le Liffey, du vaisseau-amiral le Marlborough, etc.

Nous aurions beaucoup à dire encore sur cette question, mais on trouvera peut-être que nous avons déjà trop longuement insisté, et que s’il convient aux Anglais de voir les affaires de leur marine gouvernées de cette façon, nous devrions les laisser faire. C’est ainsi que sans doute on pense dans l’école dont M. le marquis de Boissy s’est fait au sénat l’infatigable organe ; mais ceux qui croient que le maintien des bons rapports entre la France et l’Angleterre est un devoir pour les deux pays, un bienfait pour le genre humain tout entier, doivent considérer les choses d’un autre point de vue. Les défaillances perpétuelles de l’amirauté peuvent souvent leur inspirer des regrets, parce qu’en Angleterre elles contribuent à provoquer indirectement contre nous des sentimens de défiance qui nuisent au développement de la bonne intelligence, parce qu’en France elles sont la cause d’erreurs dangereuses. Il n’est pas dans la nature humaine de convenir volontairement de ses fautes. Aussi, lorsque l’amirauté éprouve quelque déconvenue nouvelle, lorsqu’elle se voit manifestement devancée par quelque progrès qui a reçu chez nous la consécration de la pratique, elle emploie, pour se tirer de peine, un procédé qui lui a toujours réussi jusqu’à ce jour, mais qui n’est pas fait pour entretenir la sympathie réciproque : c’e la plus grande preuve d’habileté qu’elle ait fournie, mais c’est une preuve d’habileté détestable. Au lieu de convenir loyalement de ses fautes, elle pousse des cris contre l’ambition de la France, elle nous accuse de conspiration et de projets d’invasion que rien ne justifie, elle agite l’esprit de la nation contre nous, et alors, en même temps qu’elle obtient des centaines de millions destinés à réparer le passé, nous entendons les discours où lord Palmerston nous enseigne cette singulière théorie, que pour maintenir la paix entre ces deux grands peuples il convient de pousser jusqu’à la limite extrême les dépenses improductives de leurs armemens ! Quel est l’intérêt avouable qui gagnera quoi que ce