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machine, comme, pour la diriger, pour l’entretenir et pour la réparer, il faut plus d’instruction, plus de force, et prendre plus de peine que pour entretenir et réparer les fourrures ou les détails d’un gréement. Il en est de même pour les autres fonctions du bord. L’emploi de la machine à vapeur et les progrès de l’artillerie imposent aux matelots et aux canonniers des efforts plus considérables qu’autrefois, et les hommes ne peuvent suffire à ces efforts que grâce aux améliorations qui ont été introduites dans la discipline, dans l’hygiène, dans les aménagemens, dans les procédés de conservation des vivres, etc. A moins de l’avoir vu faire sous ses yeux, on ne peut imaginer combien est pénible et rebutant le service nouveau du charbon, qui se renouvelle bien souvent cependant, car nous ne construisons pas de navire qui en prenne dans ses soutes pour une consommation de plus de douze jours. Dieu sait ce qu’il en coûte de fatigue aux hommes lorsqu’il faut renouveler cet indispensable approvisionnement, et ce qu’il en coûte de travail encore lorsqu’il faut effacer toutes les traces de saleté que laisse nécessairement après lui l’embarquement de plusieurs centaines de tonnes de combustible : 675 tonnes sur la Gloire, 900 sur la Couronne! Laver, nettoyer, briquer, fourbir, polir, astiquer, c’est à ces soins que se passe en grande partie la vie du marin, mais avec cette différence, pour les gens du temps présent comparé au temps passé, que d’un côté nous avons augmenté les dimensions de nos navires, et que de l’autre nous avons réduit le nombre des hommes d’équipage. Nos anciens vaisseaux à trois ponts portaient plus de douze cents hommes; nos frégates cuirassées d’aujourd’hui, qui présentent une capacité presque double, n’ont pas cependant un personnel qui soit en nombre la moitié de celui qui revenait au Montebello ou à la Ville-de-Paris. Le travail a ainsi beaucoup augmenté, et il doit aller sans dire que, pour fournir plus de travail, il faut des hommes plus vigoureux et plus expérimentés. Et au lieu de considérer les choses en général, si nous descendions dans les détails, nous verrions que chacun de ces détails exige de la part des hommes une instruction de plus en plus grande. Qu’y avait-il sur nos anciens vaisseaux qui demandât autant de vigilance et de pratique pour être entretenu en bon état qu’en demandent les engins qui donnent le mouvement aux frégates d’aujourd’hui? Quelle différence entre le service du canonnier d’autrefois et celui du chef de pièce qui doit prendre soin d’une bouche à feu rayée, pourvue d’un appareil de chargement par la culasse, armée de projectiles et d’apparaux dont le maniement et la conservation sont devenus chose très délicate!

Le service ordinaire du bord, d’où dépendra la valeur du navire au moment critique, impose aux hommes des conditions d’aptitude plus rigoureuses que jamais; il en est de même pour la plus simple