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On comprend qu’avec une pareille exaltation des esprits, le gouvernement de Stilicon et ses timides tempéramens ne contentèrent bientôt plus personne : païens et chrétiens l’attaquèrent à la fois. Les souvenirs des guerres civiles lurent invoqués contre lui, et il redevint, dans les conciliabules du polythéisme, le spoliateur du Capitole, le destructeur des livres sibyllins, un sacrilège, un parricide u voué au Tartare à côté de Néron, et plus criminel que Néron, car le fils d’Agrippine n’avait tué que sa mère, et Stilicon tuait Rome, la mère du genre humain. » Ainsi s’exprimait, dans des vers que nous avons encore, le poète gaulois Rutilius, préfet de Rome quelques années après et païen convaincu. Les conciliabules chrétiens le ménageaient encore moins, et ils mettaient dans leurs attaques un concert, une autorité morale qui manquaient aux autres. Toutefois, n’osant pas accuser de paganisme un homme si odieux aux vrais païens, on en accusa son fils Euchérius.

Ce jeune homme, qui venait d’atteindre sa dix-septième année, avait reçu l’éducation romaine la plus libérale, la plus complète qu’on pût recevoir en ce siècle; mais plus elle était complète, plus les professeurs que le rang et la gloire du père attiraient près du fils avaient de renommée dans les sciences profanes, plus dans l’opinion des chrétiens l’éducation d’Euchérius se trouvait entachée de paganisme. Un maître de rhétorique, de philosophie, de poésie, interprète de systèmes ou d’ouvrages littéraires fondés sur le polythéisme, était assez naturellement soupçonné d’être lui-même païen, pour peu qu’il admirât ses modèles : or du maître à l’élève il n’y avait qu’un pas, et la présence assidue de Claudien dans la famille de Sérène donnait assez naturellement couleur aux suppositions. Sans s’arrêter à rien éclaircir, les partis décidèrent qu’Euchérius était païen. On alla jusqu’à citer de lui des propos menaçans contre le christianisme. Nouveau Julien, disait-on, il avait promis aux hiérophantes et aux sophistes, ses maîtres, d’inaugurer son principat par le rétablissement des temples et le renversement des églises; ceux-ci s’étaient engagés en retour à lui livrer bientôt le trône de Théodose. Tout était reproché à ce jeune homme, jusqu’à la popularité de son père, jusqu’aux efforts sincères de ce dernier pour établir la tolérance religieuse. On n’y voulait voir qu’un moyen de séductions et de complots habilement employé près des polythéistes pour perdre l’empereur et porter Euchérius à l’empire. Par cette double accusation, on espérait envelopper dans le même lacs le père et le fils.

Une autre arme tomba bientôt aux mains des partis, qui s’en servirent avec une habileté perfide. Il y avait sept ans déjà que Marie portait le double titre d’épouse et d’impératrice, et depuis ce temps elle n’avait jamais donné aucun signe, aucune espérance de gros-