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du sol ne servent aujourd’hui qu’aux reptiles. Il en est de même dans le domaine de la science et des arts. Une expédition de savans, organisée avec le plus grand soin sous les auspices immédiats de l’empereur du Brésil, s’est bornée aux explorations préparatoires et aux magnifiques promesses : elle a dû être remise à des temps meilleurs après avoir coûté près de 2 millions au trésor public. A Rio-Janeiro, le musée d’histoire naturelle, bel édifice admirablement disposé, n’offre aux étrangers que des objets sans importance, et, si nous devons en croire le témoignage de M. Biard, l’Ecole des beaux-arts comptait en 1858 neuf professeurs pour un auditoire de trois élèves seulement. Ce sont là des ridicules qui se retrouvent aussi dans la plupart des sociétés hispano-américaines. Les jeunes nations n’ont pas toujours l’énergie nécessaire pour donner suite à leurs ambitieux désirs; mais les tentatives inutiles se répètent souvent et sont enfin suivies d’efforts plus heureux. En dépit d’insuccès répétés, de déboires lamentables, d’entreprises dévoyées, les routes s’ouvrent, les villes se multiplient, les édifices s’achèvent. Une première couche de ruines prépare le sol sur lequel doivent un jour s’élever des monumens durables.

Les voies de communication sont, au point de vue matériel, l’œuvre la plus importante que se proposent les Brésiliens. En effet, la population de l’empire se distribue en deux longues zones parallèles et distinctes dont l’une se développe au bord de la mer, tandis que l’autre occupe les plateaux de l’intérieur. Quelques rivières coupées de cataractes[1], quelques sentiers périlleux et deux routes à peine font communiquer les plaines du rivage avec les hautes vallées ; presque partout une lisière de forêts vierges, devenues la retraite des onces, des tapirs et des Indiens féroces, sépare les deux rangées de colonies habitées par les Brésiliens civilisés. Réunir ces deux zones, mettre en rapport constant la région des diamans et de l’or avec celle du sucre et du café, faciliter l’échange des produits entre les consommateurs de la plaine et ceux des hauteurs, telle est la tâche principale que se donne le Brésil. Aujourd’hui les transports s’opèrent avec tant de difficulté que les cités du littoral, dont l’horizon lointain est borné par l’immense étendue des forêts vierges, sont obligées de demander leurs bois de construction à la Scandinavie. La province de Minas-Geraës, qui contient à elle seule plus de la septième partie de la population de tout l’empire, est depuis quelques années à peine reliée à Rio-Janeiro par une route de voitures; mais ses communications avec les provinces limitrophes de Saõ-Paulo, de Bahia, de Pernambuco, sont encore très longues et très

  1. La chute du San-Francisco, connue sous le nom de cataracte de Paulo-Affonso, rivalise en beauté avec la chute du Niagara.