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mer intérieure. Elle est riche en couvens, en églises magnifiques, et justifie ses prétentions monumentales par de belles fontaines de bronze et de charmans groupes de sculpture; mais ses rues ne sont qu’un labyrinthe d’escaliers, de passages, de carrefours et d’impasses où l’on voit la population grouiller dans les ordures. Pernambuco est la Venise du continent colombien. Séparée de la mer par un étroit récif semblable à un brise-lames régulier qu’aurait construit la main des hommes, elle groupe ses différens quartiers autour de charmantes lagunes, dominées au nord par l’antique cité d’Olinde; ses quais offrent des rangées de maisons splendides qui rappellent les grandes cités commerciales de l’Europe; de beaux édifices s’élèvent de toutes parts; les environs sont parsemés de villas élégantes. Un certain esprit d’entreprise, très rare dans le Brésil, se fait jour dans l’ancienne cité de Maurice de Nassau, grâce peut-être à la persistance de l’élément hollandais. Peuplée d’une race plus énergique, Pernambuco possède aussi sur ses rivales du sud le privilège inappréciable d’être plus rapprochée de l’Europe. Poste avancé du continent, elle voit passer tous les navires qui se dirigent vers le sud et s’efforce de les retenir au passage. C’est là que les lignes de navigation à vapeur doivent nécessairement chercher un point d’attache commun.

En général, les municipalités des grandes villes brésiliennes, à l’exception de Rio-Janeiro, semblent tenir principalement à la construction d’édifices de luxe et négligent assez les améliorations qui ont rapport à la propreté urbaine. A Bahia, à Pernambuco, on a dépensé bien des millions afin de bâtir des théâtres somptueux et s’assurer de célèbres prime donne; mais on s’est donné moins de peine pour les égouts, si nécessaires dans cet empire de la fièvre jaune, pour les prisons, abominables sentines où les Howard ne se sont jamais aventurés, pour les hôpitaux, que les pauvres redoutent à bon droit comme les antichambres de la mort. Rio-Janeiro est la seule des grandes villes du Brésil qui possède un asile de fous ; encore le ministre fondateur de cette institution utile a-t-il sacrifié plus au luxe qu’au véritable comfort, et l’on dit que pour recueillir les fonds nécessaires il a dû faire appel, non pas à la charité, mais à la plus mesquine des ambitions, celle des titres de noblesse. On pourrait aussi reprocher aux Brésiliens cette imprévoyance ambitieuse avec laquelle ils commencent des travaux que leur fait abandonner plus tard le manque de fonds. Partout on voit des routes ouvertes à grands frais que la végétation obstrue déjà et qui vont se perdre au milieu de la forêt, partout des ponts dont il ne reste que des piles ou des culées penchant sous l’effort des terres ou bien à demi renversées par les inondations, partout des fondemens d’édifices qui devaient être splendides, mais dont les murailles à peine élevées au-dessus