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influence des plus heureuses sur les progrès de la civilisation; mais si le Brésil oriental doit on grande partie à ce bourrelet de montagnes sa population relativement nombreuse, il la doit aussi à l’excellence de ses ports : Bahia, Rio-Janeiro, Desterro, San-Francisco. Enfin ses mines d’or et de diamans, jadis si riches, exerçaient une fascination souveraine sur la plupart des émigrans. Parmi les causes qui ont le plus contribué au peuplement rapide des côtes du Brésil, faut-il indiquer encore la proximité du rivage africain? Faut-il dire que, grâce au peu de largeur de la nappe d’eau marine qui sépare en cet endroit l’ancien monde du nouveau, les négriers pouvaient exercer facilement leur mission prétendue civilisatrice et transporter à peu de frais des milliers de nègres dans les colonies portugaises de l’Amérique?

On ne saurait donc s’étonner que les grandes cités du Brésil aient été fondées sur la partie du littoral qui s’étend au sud du cap Saint-Roch. Aujourd’hui Rio-Janeiro, Bahia, Pernambuco, peuvent se mesurer avec les villes secondaires d’Europe pour le chiffre de la population et l’importance du commerce; elles reconnaissent à peine une ou deux rivales dans l’Amérique du Sud. Presque tous les étrangers qui visitent ces reines du Brésil en parlent avec un profond sentiment d’admiration, dû, il faut l’avouer, moins à leur beauté qu’à la magnificence du paysage qui les environne. Rio-Janeiro, que les voyageurs comparent à Naples et à Constantinople, en lui donnant parfois l’avantage, doit son apparence grandiose à sa ceinture d’arbres, aux eaux bleues de sa baie parsemée de navires, à ses îles qui se groupent dans le plus harmonieux désordre, au Paõ d’Assucar, qui garde l’entrée du port, au Corcovado, aux Très Irmaoës, qui dressent au-dessus des campagnes leurs formes fantastiques, diversement éclairées par la lumière, à l’arête dentelée de la Serra-dos-Orgaoës, qui se prolonge au loin et va se perdre à l’horizon bleuâtre : toutes ces splendeurs réunies composent un spectacle merveilleux, que M. Charles Ribeyrolles, dans un ouvrage malheureusement interrompu par la mort, a su décrire avec une singulière éloquence. La ville, simple trait de cet admirable tableau, participe à la splendide poésie de l’ensemble; mais quand on s’engage dans ses carrefours, on s’aperçoit bien vite que Rio-Janeiro doit peu de chose au bon goût et à l’industrie de ses habitans. A part deux ou trois boulevards élégans, à part quelques édifices modernes que la capitale du Brésil a cru nécessaires à son rang de première cité du continent colombien, elle n’offre guère que des rues malpropres, des constructions sans grandeur, et, bien que son bel aqueduc lui fournisse de l’eau en très grande abondance, ses rares égouts sont encore des foyers d’infection. Bahia, ancienne capitale du Brésil, est assise, comme Rio-Janeiro, sur le rivage d’une baie ou plutôt d’une