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de ses passions, et qu’elle apprît à respecter. Ce n’est pas seulement à ceux qui la gouvernent, et qui sont parfois impuissans à la diriger ou à la contenir, c’est aussi à elle-même qu’il faut parler. Ce sont ses yeux qu’il faut frapper par l’éclat de nos sympathies, son esprit qu’il faut séduire et convaincre par les grands et salutaires effets de notre intervention. La Grèce étouffe dans le cercle politique de ses frontières, permettons-lui de croire qu’un jour viendra où elle les pourra franchir. Lorsque nos exhortations amicales auront adouci en elle l’ardeur des désirs inassouvis et des convoitises illégitimes, lorsque nos encouragemens officiels, en lui permettant d’entrevoir des horizons plus vastes, lui auront inspiré ces sentimens qui ennoblissent toutes les nationalités malheureuses, la dignité calme et la foi patiente, elle en sera plus docile à nos remontrances et plus confiante en nos préceptes. Nous ne la corrigerons point sans doute de ces imperfections et de ces défauts qui, à toutes les époques de son histoire, ont terni le lustre de son caractère national, et qui sont comme les taches ineffaçables de son génie, mais nous lui enseignerons à les tenir en bride par le développement fécond de ses facultés et de ses ressources; nous la rendrons plus soumise aux nécessités de sa situation politique et plus respectueuse envers son gouvernement, qui, avec l’aide efficace, de nos conseils, travaillera utilement enfin dans l’intérêt de sa prospérité et de sa grandeur. Nous la ferons, pour son bien et pour le nôtre, plus réfléchie, plus grave, plus forte, en un mot plus virile.

Il faut d’abord, en Grèce, encourager, rassurer et honorer l’agriculture. Qu’on fixe donc par un cadastre les limites des possessions privées et publiques, et par conséquent les droits des propriétaires; que l’enseignement des écoles et de la presse, les bons exemples des nations étrangères, l’institution des concours, des primes, des médailles, mettent les travaux des champs en honneur chez ce peuple avide de toutes les nouveautés intelligentes; que la dîme soit définitivement abolie, que les charges foncières deviennent invariables, et qu’ainsi toute la terre paie l’impôt, non pas en raison de ce qu’elle produit annuellement, mais bien, comme dans tout le reste de l’Europe, d’après sa valeur réelle et ce qu’elle est susceptible de produire; que l’on construise des routes praticables pour l’exploitation de 1,200,000 hectares de forêts et de 3 millions d’hectares arables que possède le royaume[1], on verra bientôt toutes ces intelligences oisives et déclassées, tous ces esprits inquiets, s’appliquer avec ardeur à la culture de l’olivier, du mûrier, de la vigne, au

  1. On conçoit que ces évaluations ne peuvent être qu’approximatives, puisque la Grèce ne possède point de cadastre.