Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 40.djvu/371

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

menti hautement leurs assertions. Nous savons maintenant que l’armée grecque n’est plus fidèle, que les manœuvres des partis hostiles y ont ruiné la discipline qu’elles y entretiennent des passions funestes pour le repos du pays, qu’enfin l’opposition ne reculera devant aucune extrémité quand elle jugera le moment venu d’imposer à la nation ses hommes et ses théories.

Au commencement de 1862, le roi n’avait pas hésité à lui faire des avances et à lui offrir lui-même un gage de réconciliation. Il avait mandé M. Canaris, et, après l’avoir questionné longuement sur la situation morale et politique du pays, il l’avait invité à former un ministère. Le vieil amiral était resté deux heures dans le cabinet de sa majesté, et, quand on l’avait vu sortir du palais, la foule qui était alors rassemblée dans la cour pour entendre la musique, l’avait acclamé comme le sauveur de la patrie. Le soir, M. Canaris annonçait à ses amis, avec un visage radieux, que sa majesté avait bien voulu prêter à ses remontrances une attention soutenue et sympathique, que les vœux du peuple avaient été bien compris, que le gouvernement y donnerait satisfaction, et que « le monstre était enfin garrotté. » Il s’agissait cependant de former la combinaison ministérielle que lui avait confiée le roi. M. Canaris s’adressa successivement aux chefs les plus connus et les plus estimés de l’opposition, MM. Christidis, Boulgaris, Zaïmis. Ces messieurs ne purent ou ne voulurent pas s’entendre, et l’amiral en fut réduit à mettre sous les yeux du roi des noms si obscurs ou si peu estimables qu’il était positivement impossible de les accepter. Il eût mieux valu pour lui qu’il déclinât le dangereux honneur qu’on lui avait fait, que de risquer une aussi compromettante démarche. Cette fois encore il avait été dupe de sa candide confiance dans l’union et le désintéressement de son parti. Le roi garda vingt-quatre heures la liste que M. Canaris lui avait présentée, et lui écrivit une lettre bienveillante pour le remercier des soins inutiles qu’il avait pris. Par le fait, l’opposition avait refusé le gage qu’on lui offrait, et le ministère Miaoulis restait au pouvoir.

Quelques jours après, la garnison de Nauplie levait l’étendard de la révolte. On a prétendu que la mésaventure de l’amiral Canaris avait exaspéré le parti militaire de l’opposition, et qu’il s’était décidé brusquement à obtenir par la force des armes les concessions qui jusqu’alors lui avaient été refusées. Les insurgés ont affirmé hautement dans leurs proclamations qu’ils n’avaient d’autre désir que de contraindre le gouvernement à la fidèle observation des principes constitutionnels, si souvent et si audacieusement violés au préjudice de la dignité publique et du caractère national ; ils ont protesté de leur respect pour les personnes du roi et de la reine, de