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ponsabilité ministérielle en appliquant à la Grèce les principales dispositions de la comptabilité française, n’avait nullement modifié ce triste système. Quinze ministres des finances s’étaient succédé depuis 1844, et s’y étaient montrés plus ou moins fidèles. En 1856, l’arriéré sur les recettes intérieures s’élevait à plus de 43 millions de drachmes, et l’ensemble du déficit eût été de près de 8 millions, si la Grèce n’eût fait usage de toutes les ressources que lui ont fournies ses emprunts.

Le recouvrement et l’emploi des deniers publics, qui ne subissaient pas la surveillance législative, n’étaient pas non plus soumis au contrôle judiciaire. La Grèce possède un grand nombre de bonnes lois et d’institutions excellentes; mais tous ces rouages, en apparence si compliqués, qui simplifient cependant, par une sorte d’harmonie générale, le gouvernement des grands pays, sont encore beaucoup trop puissans et trop nombreux pour une administration qui commence à peine ses études. Établie par une ordonnance du 27 décembre 1833, organisée et dirigée pendant longtemps par un financier français d’un vrai mérite, M. de Rigny, la cour des comptes de Grèce est investie d’une triple mission. Elle examine chaque année la gestion des agens du ministère des finances, et prononce, après cet examen, des arrêts de conformité entre leurs comptes et les comptes généraux des ministres; elle vérifie périodiquement les caisses des comptables; enfin elle sauvegarde par une surveillance active l’intégrité du domaine national, qui constitue la plus grande richesse de l’état. La cour des comptes est présidée, depuis la retraite de M. de Rigny, par un homme dont le zèle est ardent et la probité incontestable[1]. On va voir toutefois comment elle a rempli les trois attributions dont elle est revêtue. Pour qu’elle ne s’en écartât point, il eût fallu nécessairement que le concours régulier et sincère du ministère des finances, qui est son allié naturel, lui fût assuré, et qu’elle pût disposer d’un personnel suffisamment nombreux et capable. Si aucun des ministres ne fournit un état détaillé de ses dépenses, si les comptes individuels des agens sont seuls produits et que le ministère des finances néglige ou évite systématiquement de présenter les comptes généraux avec lesquels ils doivent être comparés; si les documens que fournit ce ministère, et qui doivent éclaircir le contrôle de la cour, sont toujours incomplets et souvent inexacts; s’il affecte de faire peu de cas de son importance et de ses décisions ; si les membres de la cour sont en trop petit nombre pour qu’il leur soit possible de surveiller sur les lieux mêmes les caisses des comptables, ou s’ils n’ont pas encore assez d’expé-

  1. M. Silivergo.