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prétexte spécieux pour échapper à l’embarras de ses promesses, plus qu’il ne s’inquiétait de mettre en avant une idée vraiment praticable. Rien n’indique que Jacques Ier ait alors été appelé à discuter ce plan, ni qu’il ait eu connaissance d’aucune résolution secrètement prise par Philippe III et Philippe IV de ne pas conclure, en dernière analyse, le mariage de l’infante Marie avec le prince de Galles ; mais il ne pouvait méconnaître les froideurs cachées et les lenteurs calculées de la cour de Madrid. Sa perplexité était grande : fallait-il renoncer à son projet favori ? Y avait-il, après une si longue et vaine attente, quelque moyen de précipiter la conclusion qu’il désirait, et de prendre la main de cette princesse qu’on marquait si peu d’empressement à lui donner ?


IV.

Pourquoi le prince Charles n’irait-il pas, soudainement et sans bruit, presser lui-même à Madrid son mariage et mettre, en gagnant le cœur de l’infante, le roi d’Espagne et ses conseillers dans l’impossibilité d’en ajourner sans cesse la conclusion ? Cette idée n’avait alors, surtout pour un prince anglais, rien de nouveau ni d’étrange. En 1536, le roi d’Écosse Jacques V, parti d’abord en secret, puis solennellement et avec une escadre, était allé en France voir si sa fiancée, Marie de Bourbon, lui convenait à lui-même comme à ses ambassadeurs ; débarqué à Dieppe et invité aussitôt à Paris par François Ier, il s’introduisit déguisé chez son beau-père futur, le duc de Vendôme, et là, malgré son déguisement, bientôt reconnu d’après un portrait qu’il avait envoyé naguère à sa fiancée, il lui inspira, dit-on, un goût très vif ; mais il ne partagea point ce sentiment, et au lieu de Marie de Bourbon ce fut Madeleine de France, seule fille de François Ier, jeune princesse de seize ans, élégante, délicate et déjà malade de la poitrine, qui attira les regards et le cœur du roi d’Écosse. Il l’épousa en grande pompe à Notre-Dame de Paris, et après avoir passé neuf mois en France, il la ramena en Écosse si éprise de lui qu’en descendant du vaisseau elle se mit à genoux sur la rive, prit une poignée de sable et la baisa avec transport, en invoquant sur sa nouvelle patrie et son bien-aimé mari les bénédictions du ciel. Deux ans après, le 7 juillet 1538, elle mourut du mal qui la consumait depuis son départ, et un an ne s’était pas encore écoulé que le roi Jacques V épousait, dans la cathédrale de Saint-Andrews, Marie de Guise, veuve du duc de Longueville, venue de France sans qu’il allât lui-même l’y chercher. En 1581, le duc d’Anjou, depuis Henri III, alla en Angleterre et tenta en personne, mais sans succès, la conquête du cœur et de la main d’Élisabeth.