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tobre 1618 Raleigh fut légalement, mais odieusement décapité. Le comte de Gondomar se trouvait alors en Espagne, chargé, de concert avec le confesseur de Philippe III, de suivre la négociation du mariage. Une lettre du roi Jacques arriva à Madrid. « Il paraît convenable, dirent à Philippe, dans une note dont j’ai le texte sous les yeux, les deux négociateurs, d’informer sans retard votre majesté du contenu des dépêches reçues d’Angleterre. Elles annoncent qu’on a coupé la tête à Walter Raleigh. Il est résulté des informations prises par ordre du roi d’Angleterre que son expédition aux Indes a été suscitée et encouragée par l’agent français dans ce royaume, lequel lui avait promis assistance de la part de son maître, s’il s’emparait de quelque place importante. C’est le même agent qui, depuis que Raleigh avait été arrêté, s’est efforcé de le faire évader et passer en France, et un secrétaire-interprète de l’ambassade de France à Londres a été accusé d’avoir pris part à ce dessein. Ledit agent a reçu du roi d’Angleterre l’ordre de ne plus se mêler dans ce royaume des affaires de son maître ; le roi a écrit au roi de France pour demander son rappel, et il a de plus rappelé lui-même son agent à Paris. À raison de cet incident, et aussi parce que le roi de France a renvoyé de son royaume, où il était allé pour quelques affaires, le docteur Mayernrath, médecin de la chambre du roi d’Angleterre, ces deux rois sont maintenant brouillés. Celui d’Angleterre est aussi fort mécontent des Hollandais. Le comte de Gondomar, pendant son séjour en Angleterre, comprenant qu’il convient beaucoup au service de votre majesté que le roi de ce pays soit mal avec la France et la Hollande, a excité et encouragé leurs dissensions dans cette circonstance comme dans beaucoup d’autres, et ledit comte tient pour certain que, si le roi d’Angleterre avait une suffisante certitude de l’amitié de l’Espagne, il romprait facilement avec les Français et les Hollandais, car c’est là son suprême désir. À cause donc de ce qui peut arriver en France et en Hollande, et pour les tenir du moins en bride, il convient fort de maintenir le roi d’Angleterre brouillé avec ces pays-là et content de celui-ci, ce qui se peut faire en restant avec ledit roi en bonne harmonie. C’est pourquoi il est désirable que votre majesté ordonne qu’il soit répondu amicalement à la lettre de ce roi que vient d’apporter don Francisco Cottington, et qu’on lui dise, sans entrer dans plus de détails, que la principale affaire qu’il a à cœur sera traitée ici avec le désir d’arranger les choses pour la bonne fin qu’on a en vue. Il importe aussi d’agréer ce qu’il vient de faire quant à Walter Raleigh, de lui dire qu’on n’attendait pas moins de son amitié, et qu’il trouvera dans votre majesté la même bonne volonté et intelligence en tout ce qui pourra l’intéresser. »

Pendant quelque temps en effet, les intentions de la cour de Ma-