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versation avec Digby, et le 14 septembre 1617 Philippe III mit en marge de cet avis : « Qu’il soit fait comme il paraît bon au conseil; je charge mon confesseur de conférer seul avec l’ambassadeur au sujet de cette affaire. » Dans le cours de sa négociation, lord Digby demanda qu’on déterminât les conditions du mariage en matière de religion, et que, lorsque son roi aurait accepté celles qui seraient raisonnables, sa majesté espagnole s’expliquât sur la dot qu’on évaluait en Angleterre à deux millions d’écus; Philippe III répondit le 13 janvier 1618 : « Le service à rendre à Dieu notre Seigneur, en arrangeant bien les affaires de la religion en Angleterre, est de si grande importance que, si la satisfaction convenable et la sécurité nécessaire sont données à cet égard, cela facilitera beaucoup la question d’intérêt. Le duc de Lerme et le père confesseur peuvent dire à l’ambassadeur que, les affaires de la religion une fois réglées, la négociation ne rencontrera nulle difficulté quant à la dot. »

Le roi Jacques s’efforçait en vain de surmonter les obstacles qu’opposaient à son désir tantôt les exigences et les lenteurs espagnoles, tantôt les méfiances et les colères anglaises, qui éclataient dès qu’on le voyait sur le point d’accorder aux catholiques d’Angleterre la liberté et la sécurité que leur refusaient les lois et les passions du pays, car la tyrannie religieuse, la plus impie de toutes, était alors générale et obstinée, chez les protestans comme chez les catholiques, et au sein des institutions libres comme sous le régime du pouvoir absolu. A chaque entrave nouvelle que rencontrait leur négociation matrimoniale, Gondomar et Digby, sous des prétextes de santé ou d’affaires personnelles, allaient et venaient de Londres à Madrid et de Madrid à Londres pour reprendre les instructions de leurs maîtres, mais sans se trouver, après leurs voyages, plus avancés dans leur dessein. Le roi Jacques commit, pour complaire à l’Espagne, une lâcheté sanglante : un homme dont le hardi génie, l’indomptable courage, le vaste savoir et les brillantes aventures comptent parmi les gloires de l’Angleterre, sir Walter Raleigh, était depuis seize ans sous le poids d’un arrêt de mort qu’on n’avait pas osé exécuter ; il avait passé treize ans enfermé à la Tour, ignorant chaque jour si on le laisserait vivre le lendemain, et employant ses incertains loisirs à écrire de savans livres ou à rêver de nouveaux exploits au-delà des mers. Mis en liberté en 1616 par l’intervention chèrement achetée de Buckingham, mais sans que grâce lui fût faite et en restant toujours sous le coup de la condamnation capitale, il avait repris avec plus de hardiesse que de bonheur ses expéditions en Amérique contre les possessions espagnoles, et de retour en Angleterre il avait été arrêté et remis à la Tour, où il était encore pour l’Espagne un objet de haine et d’alarme. Le roi d’Angleterre sacrifia à la vengeance espagnole ce glorieux serviteur du pays, et le 29 oc-