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ciles à accomplir, autant les dispositions de la cour de Madrid étaient obscures et incertaines. Quand le comte Gondomar annonça à son roi que lord Digby allait se rendre en Espagne pour voir ce qu’il y avait réellement à espérer quant au mariage projeté, l’anxiété de Philippe III fut grande ; les réunions et les délibérations de ses conseillers, laïques et ecclésiastiques, recommencèrent, et presque tous, sous des formes plus ou moins embarrassées, furent d’avis qu’il fallait traîner et en référer toujours au pape, dont la résistance très probable ou les exigences dans l’intérêt des catholiques d’Angleterre épargneraient au roi d’Espagne la responsabilité d’un refus. On pouvait en effet compter sur l’esprit absolu de Paul V et sur son antipathie pour toute concession. J’extrais des documens inédits, puisés dans les archives de Simancas, quelques-uns des nombreux passages qui prouvent que tel était en effet le dessein du gouvernement espagnol. Le 17 juillet 1617, dans l’assemblée des théologiens convoqués pour prendre connaissance des dépêches de Gondomar, « le cardinal archevêque de Tolède dit qu’il a toujours été d’avis que tous les maux que nous souffrons et tous ceux qui menacent cette monarchie proviennent de ce qu’au lieu de persister dans une guerre défensive, on a cherché à faire la paix ou des trêves avec les hérétiques. Il lui paraît donc que sa majesté doit faire traîner cette affaire en longueur, autant que cela se pourra, et du moins jusqu’à ce qu’on puisse faire avec sécurité ce que demande le roi de la Grande-Bretagne, sécurité que ledit archevêque tient pour impossible quand on traite avec un prince qui ne se soucie ni de Dieu, ni de la religion, ni de ses saints. » Quelques jours après, le 3 août 1617, le conseil d’état, réuni pour examiner la délibération de l’assemblée des théologiens, « est d’avis que, dans l’état actuel des choses, il convient de faire traîner les négociations en longueur, et même de chercher quelque manière de les abandonner, à cause des inconvéniens qui s’ensuivraient pour la religion, et qui doivent être pris en grande considération... Quant à ce que disent les théologiens qu’il faudrait demander au roi d’Angleterre de plus grands avantages qu’on n’a encore fait, on pourrait dire à l’ambassadeur de ce monarque qu’on agit ainsi parce que d’aucune autre façon sa sainteté ne donnera son consentement; en tout cas, puisque cet ambassadeur est près d’arriver, il faut déterminer ce qu’il y aura à lui répondre, afin que l’obstacle vienne de sa sainteté. »

Lord Digby arriva. Le bruit courut à Madrid qu’il apportait de Londres l’opinion que deux prêtres espagnols, le père Federico et le père Francisco, étaient bien disposés en faveur du mariage anglais, mais que le père confesseur du roi s’y opposait fortement. Le conseil d’état engagea le roi à interdire aux deux premiers toute con-