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cousin, Sully quitta Londres dans les premiers jours de juillet 1603, emportant la signature du roi Jacques au bas d’un traité sommaire d’alliance intime, défensive en tout cas et offensive au besoin, avec Henri IV[1], et quelques mois après deux ambassadeurs d’Espagne, d’abord le comte de Villa-Mediana, puis le duc de Frias, don Alonzo de Velasco, connétable de Castille, arrivaient en Angleterre et signaient le 18 août 1604, avec son roi, un traité qui non-seulement rétablissait la paix entre les deux royaumes, mais qui ouvrait à coup sûr bien d’autres perspectives, car, parmi des documens tirés des archives de Simancas et jusqu’ici inédits[2], je trouve une note rédigée pour Philippe III par un père jésuite, et qui porte : « Le roi d’Angleterre est résolu de marier le prince de Galles à une princesse d’Espagne ou à une princesse de France. Le roi et les Écossais penchent du côté de la France non-seulement à cause de l’ancienne amitié entre la France et l’Ecosse, mais encore par l’espérance qu’a le roi de conclure ce mariage à des conditions plus faciles quant à la religion. La reine et la majeure partie du conseil et de la nation, hérétiques comme catholiques, désirent, quoique par des motifs différens, que le prince se marie avec une princesse d’Espagne. Les hérétiques le souhaitent, afin d’éviter que les Français et les Écossais ne s’unissent au sein de l’Angleterre contre les Anglais, qui ont déjà bien assez à faire de lutter contre les Écossais seuls. Les catholiques croient que, si ce mariage a lieu, ce sera un puissant moyen, non-seulement d’apaiser la fureur de la si longue persécution dont ils sont l’objet, mais encore de convertir à notre sainte foi ce royaume et toutes les contrées qui en dépendent. Une fois que votre majesté aura arrêté, avec le roi d’Angleterre, que l’infante et toute sa maison auront le libre exercice de la religion catholique, et que son altesse sera entourée et servie par des personnes des deux nations, d’une vie exemplaire ainsi que d’une prudence et d’un zèle éprouvés dans les choses de notre sainte foi, le mariage, d’après l’avis desdits catholiques, sera non-seulement licite selon les lois divines, mais encore justifié ou du moins admissible à dispense selon les lois humaines, et même méritoire devant Dieu, glorieux pour l’Espagne et de grande édification pour toute l’église. »

Ainsi dès 1604, dans l’année même de l’avènement de Jacques Ier au trône d’Angleterre, la question d’un mariage français ou d’un mariage espagnol pour son fils le prince de Galles était posée à Londres, à Paris et à Madrid, et le sort de la politique de l’Europe semblait dépendre de la décision du nouveau roi d’Angleterre, qui s’en

  1. OEconomies royales, t. V, p. 21.
  2. Ces documens, au nombre de trente-sept, de 1611 à 1623, ont été textuellement copiés dans un volume in-folio, côté, aux archives de Simancas, sous le n° 7026.