Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 40.djvu/255

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

source assez abondante pour que le roman, dans ses incessantes métamorphoses, puisse s’y retremper et s’y rajeunir.


CH DE MAZADE.


ESSAIS ET NOTICES.
DEUX POÈMES POPULAIRES DE LA FINLANDE.


Peut-être n’a-t-on pas oublié ce que plusieurs fois déjà nous avons dit et cité du poète populaire de la Finlande, Runeberg[1]. Nous avons montré ses récits épiques prenant leur origine et puisant leur inspiration première dans le sentiment national, excité parmi les Finlandais jusqu’à l’enthousiasme et jusqu’à l’héroïsme pendant la guerre de 1809, à la suite de laquelle les Russes s’emparèrent définitivement de la Finlande. Toutefois ces récits ne font pas entièrement connaître le poète . ils ont été précédés de quelques poèmes qui auraient pu leur servir d’introduction fort naturelle. Quelques morceaux traduits d’après le texte suédois prouveront que ces premiers poèmes ont un double mérite : ils montrent les mœurs, la religion simple, naïve, sincère, du peuple finlandais, avant de montrer ce même peuple aux prises avec un ennemi auquel il dispute pied à pied le sol de la patrie. Ces petits tableaux de Runeberg, où l’habileté de l’artiste intervient si heureusement à côté de l’inspiration du poète, reproduisent avec une remarquable fidélité les plus beaux traits de la nature et de la vie finlandaises. On trouvera ici les mêmes qualités que dans la Journée de Doebeln, la Fille du Hameau et le Frère des Nuages, par-dessus tout une rare noblesse de sentiment et une énergique simplicité d’expression.


L’EGLISE.

« De dures vicissitudes, d’amères épreuves ont chassé de son pauvre hemman[2] et précipité dans la misère profonde le paysan Onni. Ce que la destinée avait épargné, le poids des années l’a ravagé; soixante-quinze hivers ont couvert sa tête de cette neige qui ne fond à aucun été; une seule chose lui est restée de ce qui jadis a fait toute sa joie, une seule, la confiance dans le Dieu qui envoie le secours à l’adversité. Onni habite maintenant sur le hemman d’autrui, relégué vers la porte, dédaigné, nourri par charité.

« C’est le jour de la mi-été[3]. De bon matin tout s’éveille; jeunes et vieux revêtent les habits de fête; tous vont partir pour aller à l’église louer

  1. Voyez la Revue du 1er septembre 1854 et. celle du 1er septembre 1857.
  2. Coin de terre.
  3. Mulsommars dag, le grand jour de fête dans le Nord.