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ressaisissait sa lyre après le combat : le fantassin, pour l’entendre, déposait ses armes et le cavalier tout sanglant l’applaudissait. Plus tard, quand le vainqueur des deux Carthages rentra dans les murs de de Rome sur le char des triomphateurs, Ennius était encore là. La victoire ramenait les muses avec elle, et la couronne du poète était aussi le laurier du soldat. » On s’attend à trouver dans ce poème, récité au Capitole ou au Forum, les évocations de dieux et de héros, matière obligée des vers composés à Rome et sur Rome : elles y sont en effet, nombreuses et magnifiques ; mais on n’y trouve point le contraste qui, pour nous modernes, serait la poésie même de la scène. Claudien n’y fait aucune allusion à l’origine de Stilicon ; il n’y dit point que ce Scipion était Vandale. Sans doute un Romain d’Egypte, le plus grand poète latin peut-être après Virgile, ne trouvait rien d’étrange à ce qu’un Germain né dans l’empire, élevé sur les bords du Tibre, qui avait combattu vingt ans pour Rome et égalé ses vieux généraux, fût un héros romain : tout le monde dans la ville éternelle ne pensait pas ainsi.

Cette réflexion nous ramène naturellement à un beau morceau de ce poème, le plus beau, suivant nous, où Claudien nous fait apparaître l’image d’une Rome que n’auraient certes reconnue ni les Cincinnatus, ni les Scipions, ni même les contemporains d’Auguste, l’image de Rome civilisatrice, qui n’a conquis le monde que pour en faire une seule famille. « Combien tu te rapproches des dieux, dit-il à Stilicon, toi qui veilles, comme consul, sur cette cité, que rien n’égale sous le ciel, dont l’œil ne peut embrasser l’étendue, l’esprit concevoir la puissance, la parole raconter la gloire ! Regarde : ses sept collines ne nous représentent-elles pas les sept zones de l’Olympe, tandis que les faîtes dorés de ses monumens luttent d’éclat avec les astres qu’ils touchent ? Reine par les lois autant que par les armes, si elle a étendu son empire sur tous les hommes, son enceinte a été pour tous le berceau du droit. C’est elle qui la première, bien moins maîtresse que mère, a ouvert son sein aux vaincus, réchauffant le genre humain par la communication de son âme divine, faisant citoyens ceux qu’elle avait domptés, et se rattachant par un lien pieux les contrées les plus lointaines. Tous, qui que nous soyons, nous devons à sa domination pacifique de trouver partout la patrie. Sans quitter son pays, le Romain peut visiter Thulé, cette borne de la terre ; il peut boire à son gré dans les fleuves romains ou l’eau de l’Oronte ou celle du Rhône : habitans de l’univers, nous lui devons de ne faire tous qu’une même nation. »

Au retour du nouveau consul, Honorius fit avec lui une visite du nord de l’Italie. On le trouve le 27 mars à Altino, et pendant les mois d’août, septembre et octobre, à Brixia, à Aquilée, à Ravenne