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étais qui ont l’air de la porter sont. là pour détourner l’attention et tromper l’œil sur la direction réelle des effets de la pesanteur.

Ainsi naquit l’église dite gothique. Elle n’a rien de plus, rien de moins que l’église romane. C’est la vieille basilique évidée, amincie, remplie de souffle et d’âme. La basilique du moyen âge était complète avant l’adoption de l’ogive. L’ogive, en d’autres termes, n’est pas un trait de style, elle est applicable à tous les styles. Des églises purement romanes, comme Saint-Maurice d’Angers, Saint-Gilles près d’Arles, en l’ont un emploi suivi. Souvent on pratiqua simultanément le plein-cintre et l’ogive, et assez longtemps après le triomphe de l’ogive on continua d’employer le plein-cintre dans les clochers. Enfin une foule d’églises, non-seulement dans la région qui servit de berceau à l’ogive, mais en Guienne, en Normandie, flottent entre les deux procédés et peuvent presque indifféremment s’appeler romanes ou gothiques. De la basilique romaine à la basilique chrétienne du temps de Constantin, de la basilique constantinienne aux églises du IXe et du Xe siècle, de l’église du IXe et du Xe siècle à la basilique romane, de la basilique romane à l’église gothique, il n’y a donc pas une seule solution de continuité. Quelque peu d’analogie qu’offrent au premier coup d’œil Saint-Paul-hors-les-Murs et Notre-Dame, l’une de ces constructions vient de l’autre par une série de développemens non interrompus.

On ne nie pas qu’une influence grecque assez forte ne se soit exercée en France au Xe et au XIe siècle; mais cette influence entra pour peu de chose dans le grand mouvement de notre art national. Elle produisit Saint-Front de Périgueux, quelques églises du Quercy et de l’Angoumois; mais ce n’est certes pas de ce côté qu’il faut chercher l’origine de l’art gothique. Encore moins faut-il parler des croisades et de l’influence arabe. L’architecture gothique et l’architecture arabe ont des ressemblances; mais ces ressemblances viennent de la similitude de leurs points de départ. L’une sort du roman, l’autre du byzantin ; or le roman et le byzantin étaient frères, issus tous les deux par dégradation de l’art antique. Le gothique et l’arabe arrivèrent ainsi par la logique à des résultats analogues, mais ils ne se doivent rien l’un à l’autre, et représentent des tendances profondément différentes. L’ogive a existé de tout temps en Orient à l’état sporadique, l’Orient même en adopta l’usage général avant l’Occident; mais ce n’est pas de là que les grands constructeurs du XIIe siècle la prirent. Ils y arrivèrent d’eux-mêmes, et indépendamment de tout emprunt fait au dehors.

C’est donc un seul développement qui a produit les églises romanes et les églises gothiques. Tout se rattache au mouvement de construction qui part de l’an 1000, produit nos belles églises ro-